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Miguel Betanzos – Eloxochitlán de Flores Magón, Oaxaca
Intervention de Miguel Peralta Betanzos suite à l’obtention de sa libération
Mercredi 16 octobre, 2019. CDMX Depuis l’École Nationale d’Anthropologie et d’Histoire ENAH. Df México Transcription de la vidéo / Radiozapote fréquence libre
Salut, alors comment ça va, cool de voir ici tous les potes, ben on ne s’est pas vus depuis un bail pas vrai ?
Je voudrais remercier d’abord “Les autres avocats” qui ont toujours été sur le pied de guerre. Et parfois, sans trop de blé, on arrivait à peine à leur payer leurs frais, c’est pour ça que je me suis mis en grève de la faim Ah! Ah!
Bon je voudrais un peu partager avec vous mes réflexions sur la situation de la détention, parce que bon, la situation juridique, je crois qu’elle est plus que connue, tout mon procès est bourré d’irrégularités, depuis le jour de mon arrestation, j’ai été maintenu au secret pendant plus de 20 h et on m’a transféré dans une prison qui ne dépendait pas de ma juridiction, c’est à dire qu’elle se trouvait à plus ou moins 340 km de ma communauté qui est Eloxochitlán de Flores Magón.
En fait, des 8 témoignages, les 8 étaient faux, un témoin par exemple a reconnu que lui n’avait rien déclaré du tout, et finalement il a retiré sa déclaration. Deux autres témoins par exemple ont recopié exactement la même déclaration que celle du père de la personne décédée et c’est comme ça qu’avec ces 8 témoignages ils m’ont condamné l’année dernière à 50 ans de prison. Ces déclarations ont été contestées lors des interrogatoires et la supercherie a été démasquée, rien ne coïncidait ni dans le temps, ni le lieu mais bref comme ça j’ai passé 4 ans 5 mois et 14 jours à résister, c’est une situation difficile de s’opposer au système de justice pourri de notre pays et dont les institutions à la fin, ne font que faire semblant de travailler.
Par exemple, le nouvel organisme chargé des peuples indigènes, le – je ne sais même plus son foutu de nom – ah oui, l’IMPI, par exemple, si tu en as besoin quand tu es prisonnier, la première chose qu’ils te demandent c’est si tu as un traducteur ou la seule chose qu’ils peuvent te proposer c’est une aide pour demander ta mise en liberté anticipée, ils n’ont aucune intervention réelle par rapport à la population carcérale. Par exemple à Cuicatlan, la majorité des détenus sont d’origine indigène : il y a des Chinantèques, Mazatèques qui sont la majorité de la population, il y a des Mixtèques, Mixes il y a des Zapotèques, il y a aussi des Triquis, un tas de frères triqui, Amuzgos et Cuicatèques. Les Mazatèques sont la majorité, du coup on appliquait les formes de convivialité culturelle mazatèque vous connaissez, non ? On communique par le biais du « sifflet » *.
Les autres questions dont je voudrais parler c’est les formes de convivialité que l’on trouve dans la prison (NDT dans la prison de Cuicatlan), parce que là c’est justement l’endroit où se pose la question de l’entraide mutuelle, de la solidarité. Quand tu arrives pour faire ta peine, tu arrives sans rien, ben les potes de galère, sans te connaître t’offrent quelque chose à manger d’abord, des tongs, une serviette, du savon, du papier toilette. Parce que c’est juste cette sensibilité, cette question du collectif envers ceux qui sont privés de liberté, qui sont enfermés. On est toujours limité par la question de l’alimentation. Pour plaisanter, on disait qu’on nous donnait tous les jours, ou presque tous les jours de l’année de la nourriture cubaine haricots rouges et riz, au bout d’un moment tu t’en lasses, en même temps c’est super parce que c’est totalement végétarien. Mais Cuicatlan c’est un endroit où il fait une sacrée de chaleur, par exemple aux mois d’avril, mai, juin les températures peuvent arriver jusqu’à 43°, la seule façon de t’hydrater c’est de se cotiser entre potes pour acheter une boisson gazeuse pour s’en sortir et passer la journée. Il n’y a pas d’autre façon de s’en tirer que de travailler par nécessité, pour essayer de faire face aux dépenses de base et à celles que chaque jour apporte.
En détention, nous menons aussi la lutte pour le travail indépendant. Avant 2015, il y avait des personnes qui étaient les « patrons » c’est à dire des personnes qui apportaient le matériel, le plastique, aux détenus qui faisaient des sacs. Les prix étaient déjà fixés par le patron et puis sont arrivés d’autres détenus qui venaient d’autres prisons et qui avaient d’autres idées, comme le travail indépendant par exemple, pour subvenir nous-mêmes à nos besoins et à ceux de nos familles, que ce ne soit plus une question esclavagiste. Du coup, la lutte pour le travail indépendant et pour un commerce juste à l’intérieur de la prison a commencé et du coup on a réussi à obtenir que nos familles puissent faire entrer le matériel à l’intérieur de la prison et que nous autres nous puissions vendre nos sacs à un prix plus juste et non pas à celui imposé par le patron. Ben les patrons arrivaient le vendredi et le mercredi -ils continuent de venir d’ailleurs- mais les compagnons qui sont en prison ils ont maintenant la liberté de s’acheter leur matériel et de les vendre là où ils pensent que c’est plus intéressant, à un prix plus juste.
En ce qui concerne l’alimentation là aussi nous nous sommes battus, parce que comme je vous l’ai dit ils ne nous donnaient pratiquement que du riz et des haricots rouges. Bon et par exemple aussi, le téléphone c’est super cher, à peu près 2 pesos la minute et en étant enfermé ben bien sûr tu te lâches, t’en finis pas de parler parce que c’est ta seule façon de t’évader de ce quotidien à part en imagination ou en écrivant. Parce qu’en fin de compte la prison elle a été faite pour ça, l’état l’a faite pour ça, pour créer ce laboratoire, pour exécuter ses manœuvres et soumettre la population. Bon nombre de compagnons qui étaient avec moi pendant ma détention étaient là dedans depuis plus de 12 ans sans avoir jamais eu leur jugement, et ça continue comme ça d’ailleurs. Les défenseurs publics leur demandaient de l’argent alors qu’ils dépendent du tribunal et que normalement ils reçoivent des indemnités ou qu’on les paie pour s’occuper d’un certain nombre de personnes à défendre, mais comme plus ils ont de personnes à défendre plus ils gagnent de primes à la fin il vaut mieux qu’il y ait le plus de personnes en détention, c’est un cercle vicieux.
Je voudrais aussi vous dire que les commissions des droits humains par exemple celles de Oaxaca, sont de mèche avec le système pénitentiaire, la seule chose qu’elles font c’est faire des recommandations. Moi par exemple, ils ne sont jamais venus me voir pendant ma grève de la faim, les seuls contacts que nous avons eus ça a été au téléphone.
Et bref quoi, ça a été difficile et maintenant je profite avec vous du menu de la liberté. Et puis j’aimerais remercier tous les compas de l’ENAH d’avoir organisé cet événement et tous les compas qui se sont solidarisés depuis les réseaux sociaux, ou dans la rue… Et sérieux, on voit une ambiance un peu différente maintenant, à cause des espaces que les autorités sont en train de confisquer ici et à la fin on est toujours obligé de résister, de refuser ce qu’on nous impose, nous devons nous battre d’une façon juste, nous n’avons jamais réclamé aucun caprice, nous avons toujours exigé la justice. Moi, pour ma part, j’ai toujours pensé que ça allait prendre plus de temps, que j’allais rester plus longtemps en détention et j’étais sur le point de changer de stratégie rapport à la grève de la faim et puis l’inespéré est arrivé, ou plutôt ce que j’espérais le plus, parce qu’en fin de compte quand on est enfermé la seule chose à laquelle tu rêves c’est toujours à la liberté, tous les jours ce que tu veux c’est être dehors avec les tiens, les serrer dans tes bras, parler, rigoler..bref être dehors.
Merci beaucoup aussi aux compas des autres collectifs et à tous ceux de notre bande qui, internationalement, se sont prononcés pour ma liberté et aux personnes de ma communauté qui ont tout le temps été présents aux audiences malgré la situation que cette femme, la députée Elisa Zepeda, a imposé et qui continue malgré son discours « féministe » de maintenant, c’est clair ses mensonges continuent de grossir et c’est aussi une mythomane.. Bref, malgré tout cela, la résistance continue dans notre communauté, il y a des personnes qui pensent que nous devons sauver les valeurs communautaires, être indépendants, que nous sommes capables de penser par nous-mêmes et que l’on ne doit pas nous manipuler.
Et bon, lol !! salut et liberté et Vive l’anarchie !
Miguel Peralta Betanzos
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* Le sifflet est une forme sifflée de la langue mazatèque qui est une langue tonale. Lorsque l’on siffle on imite le ton et le rythme du langage parlé. On siffle seulement avec les lèvres, sans les doigts. Le langage sifflé des mazatèques possède 31 différences d’accent et de tonalité et de la sorte il est possible de simplifier des messages complexes éliminant toutes les ambiguïtés. C’est à dire qu’il est impossible de se tromper sur ce que dit un message sifflé. Dans la prison de Cuicatlan, les détenus se font passer des messages grâce à ce langage, sans que les autorités ni les matons ne puissent comprendre de quoi il retourne.
** Elisa Zepeda Lagunas est aujourd’hui présidente de la Commission Permanente de l’Administration et de la Justice du Parlement de Oaxaca, elle a l’investiture de Morena (Mouvement Régénération Nationale) parti politique de l’actuel président du Mexique Andrés Manuel López Obrador.
VIDEO – Compartición de Miguel Peralta Betanzos después de lograr su liberación. Miércoles 16 de Octubre, 2019. CDMX – Desde la Escuela Nacional de Antropología e historia (ENAH). DF México Radiozapote frecuencia libre
Bref résumé du conflit
A Eloxochitlán de Flores Magón deux formes de désignation des représentants s’affrontent. D’un côté, une forme d’autonomie d’élection des représentants de la communauté par l’Assemblée communautaire selon le système indigène « d’us et coutumes ». Ses fondements renvoient à la mémoire des frères Ricardo et Enrique Flores Magón, anarchistes dérangeants de la Révolution mexicaine en raison de leur combat contre les structures centralisées et autoritaires du pouvoir. De l’autre côté, le pouvoir des caciques représenté par la famille Zepeda, imposé par la force et la recherche du contrôle du pouvoir soutenu par les partis politiques.
Miguel Ángel Peralta Betanzos a été arrêté dans la ville de Mexico le 30 avril 2015. Miguel Ángel Peralta Betanzos activiste mazatèque anarchiste et membre de l’Assemblée Communautaire de Eloxochitlán de Flores Magón. Le délit dont il était accusé est celui de tentative d’homicide qualifié contre Eliza Zepeda Lagunas et son frère Manuel Zepeda Lagunas. C’est ainsi que Miguel Ángel Peralta Betanzos a été condamné à 50 ans de prison pour les délits d’homicide et de tentative d’homicide en réunion qui se seraient produits à Eloxochitlán de Flores Magón le 14 décembre 2014.
L’accusation provient de celle qui est aujourd’hui députée sous le drapeau de MORENA, Eliza Zepeda Lagunas, et qui a accusé 34 personnes d’avoir tué son frère ainsi qu’un policier municipal, alors qu’aucune preuve n’a été apportée pour corroborer ces accusations.
Depuis le jour de sa détention jusqu’à aujourd’hui, des collectifs, des amis et des proches ont entamé une lutte pour obtenir la libération de Miguel Ángel Peralta Betanzos et des autres accusés sans preuves par la députée. Aujourd’hui encore, 7 personnes sont détenues sans jugement pour cette affaire.
En août dernier, lors d’une conférence de presse, les familles des prisonniers ont dénoncé le fait que des indigènes étaient toujours détenus sous pression de la députée, ils ont assuré que celle-ci avait falsifié l’information et créé les conditions pour faire arrêter et persécuter les opposants et activistes membres de l’Assemblée Communautaire.
Le contexte dans lequel se sont déroulés les faits et qui ont conduit à l’accusation de Miguel, naissent de la résistance et de l’organisation que la communauté d’Eloxochitlán de Flores Magón a mené contre le caciquisme des Zepeda dans cette communauté. Dans ce contexte une assemblée communautaire a été convoquée le 14 décembre pour élire l’une de leurs autorités. Selon « Les autres avocats », durant cette assemblée Eliza Zepeda et son frère Manuel Zepeda ainsi qu’un groupe paramilitaire ont déclenché un affrontement armé contre l’Assemblée. Manuel Zepeda meurt durant cet affrontement, les médias ont couvert l’événement en donnant la version d’Eliza Zepeda selon laquelle les affrontements qui avaient eu lieu dans la communauté étaient la conséquence directe de la violence machiste d’une campagne menée à son encontre parce qu’elle était femme et voulait être mairesse de Eloxochitlán. La députée utilise aujourd’hui dans la presse, des arguments aux accents « féministes » pour légitimer ses abus de pouvoir de cacique recourant à l’usage de la force et s’est alliée aujourd’hui au parti gouvernemental MORENA pour se couvrir. L’Assemblée craint que suite à la libération de Miguel, les représailles et les abus se poursuivent, dus aux pressions de l’actuelle députée et de son groupe caciquiste.
Traductions et corrections Amparo, Val et les trois passants
Fanzines
Agitation (en cours de traduction)
[Oaxaca] Miguel Peralta Betanzos sort de prison !
Après 27 jours de grève de la faim, après 4 ans et 5 mois de prison, notre compagnon Miguel Peralta Betanzos est sorti de la prison de Cuicatlan, Oaxaca ce mardi 15 octobre 2019. Nos sommes heureux et heureuses d’apprendre cette nouvelle.
À bas les murs des prisons ! La lutte durera jusqu’à ce que nous soyons tous et toutes libres !
Rappel :
Miguel Ángel Peralta Betanzos est un jeune indigène mazatèque, anarchiste et membre de l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón, Oaxaca. Le jeudi 30 avril 2015, Miguel a été arrêté au centre-ville de Mexico.
Depuis 2010, le groupe cacique dirigé par la famille Zepeda a tenté d’imposer, par la force, la répression et la prison, les partis politiques leurs pratiques et leurs méthodes pour gagner des sièges au gouvernement et augmenter leurs bénéfices économiques, ce qui a déchaîné un conflit très violent au sein de la communauté d’Eloxochitlán de Flores Magón.
Depuis le 30 avril 2015, Miguel était enfermé dans la prison de Cuicatlán, Oaxaca. Lui et sept autres personnes détenues ainsi qu’une vingtaine d’inculpés, sont accusés de la mort d’une personne lors d’une attaque perpétrée par le groupe cacique de Zepeda lui-même, en décembre 2014, alors que l’Assemblée Communautaire, opposée aux partis politiques, se trouvait réunie pour élire ses représentant-e-s.
Le 26 octobre 2018, Miguel a été condamné à 50 ans de prison pour tentative d’homicide qualifié et homicide qualifié.
Le 19 septembre 2019, Miguel annonçait dans une lettre, sa grève de la faim.
Miguel Peralta Betanzos est sorti de la prison de Cuicatlan, Oaxaca ce mardi 15 octobre 2019.
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[OAXACA] Nouvelles du prisonnier anarchiste Miguel Betanzos : 25 jours en grève de la faim
Lettre depuis la prison de Cuicatlan Oaxaca. Reçue le 11 octobre 2019.
15 jours ouvrables et le juge Modesto Isaías Santiago Martínez n’a pas tenu son engagement.
Le 19 septembre lorsqu’à eu lieu l’audience finale, le Juge du Tribunal Mixte de Huautla de Jiménez, s’est engagé verbalement à se prononcer dans les 15 jours ouvrables à venir or il n’a pas tenu son engagement.
Aujourd’hui 10 octobre, les 15 jours ouvrables que le juge avait pour se prononcer sur ma situation juridique, selon le code pénal de l’État de Oaxaca, se sont écoulés et il n’a pas non plus tenu son engagement.
Aujourd’hui, moi par contre oui, cela fait 4 ans 5 mois et 10 jours que je suis en prison pour un procès fabriqué de toutes pièces, aujourd’hui voilà 22 jours que je n’ai pas ingéré un seul aliment, car je sais pertinemment qu’il n’y a pas le moindre motif pour rester un jour de plus en prison et je proteste avec mon corps, pour exiger de façon déterminée ma liberté en échange de la mise en danger de ma santé.
Aujourd’hui le juge annonce qu’il peut prendre tout le temps qu’il lui plaît pour prononcer la sentence, mais ce temps est mon temps, mon temps volé, mon temps emprisonné, mon temps a des jours ouvrables et des jours non ouvrables, mon temps ne répond pas à leurs codes ou à leurs lois, auxquels pourtant ils prétendent continuer à le soumettre.
En même temps, dans toutes les instances chargées de faire respecter et de permettre l’accès à un « système de justice rapide, objective, rendue de façon impartiale » ils prétendent qu’ils ne sont pas compétents, qu’ils ne peuvent rien faire, qu’il faut prendre patience, alors je réaffirme la chose suivante, votre fonction publique est un simulacre, une farce en votre nom. Il est évident que le pouvoir d’une députée règne sur ces institutions. Avec de telles réponses, le retard et les irrégularités juridiques tout au long de mon enfermement, ils continuent de démontrer que leurs institutions sont seulement au service du caciquisme, de ceux et celles qui nous dépouillent, de ceux qui mentent pour occuper des fonctions publiques, des ambitieux.ses, des corrompu.e.s.
Aujourd’hui, je dois également dire que la raison pour laquelle j’ai rompu la grève du silence que je menais depuis le 12 septembre, a été lorsqu’ils ont décidé de ne pas me présenter à mon audience sous des prétextes grotesques. Je dois dire que je remercie avec toute l’énergie qui me fait résister, tous et toutes celle.s.x qui sont restés attentifs, qui ont fait écho à mon silence et sont parvenus à faire du bruit autour de leurs mensonges. Mais je dois aussi dire, insister même que ni la députée Elisa Zepeda Lagunas ni son père le tortionnaire Manuel Zepeda Cortés, ne peuvent plus continuer à soutenir ni juridiquement ni médiatiquement leurs accusations à mon encontre. Elisa et Manuel, ceux qui me dénoncent dans le dossier 02/2015, on fabriqué les faits de telle sorte que le seul pilier qui leur reste et sur lequel ils peuvent s’appuyer est l’impunité, le trafic d’influences et la manipulation du Pouvoir Judiciaire. De leurs six témoins à charge, un n’a pas reconnu sa déclaration, les déclarations des deux autres ne sont qu’une copie de celle de Manuel Zepeda, deux n’étaient pas sur les lieux (ils ont rapporté ce qu’on leur a raconté) et l’autre témoin dit que les personnes étaient masquées. Il n’y a rien d’autre dans le dossier, ces témoignages contradictoires, vagues et déjà controversés, c’est tout ce que le juge doit prendre en considération, il n’y a rien qui demande un temps indéfini, car malgré l’argument selon lequel il ne peut prononcer ma mise en liberté parce que mon dossier comporte six tomes et s’il y a six tomes c’est qu’ils sont remplis de pages d’arrêts accumulés par les irrégularités et les violations tout au long de la procédure. Le juge le sait parfaitement, car c’est lui-même qui était chargé du Tribunal au début du montage du dossier et c’est lui qui a émis les mandats d’arrêts ; lui en tant que spécialiste des lois sait pertinemment que les témoins à charge n’ont aucune valeur de preuve et que l’argumentaire juridique que nous avons présenté pour ma défense le démontre pleinement. En tant que juge incorruptible il devrait agir de façon impartiale en dictant la sentence de ma mise en liberté immédiate sans délais et sans poursuivre cette farce fabriquée et utilisée par la famille de caciques des Zepeda Lagunas.
Je termine en disant que je poursuis ma grève de la faim pour exiger qu’ils cessent de retarder ma mise en liberté.
Miguel Ángel Peralta Betanzos est un jeune indigène mazatèque, anarchiste et membre de l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón, Oaxaca. Le jeudi 30 avril 2015, Miguel a été arrêté au centre-ville de Mexico. Cette arrestation a été perpétrée avec une grande violence par trois personnes en civil sans identification ni mandat d’arrêt, accompagnées de plus de 20 policiers « ministériels » de la ville de Mexico. Toutes ces irrégularités concernant l’arrestation de Miguel constituent une attaque de plus contre l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán, dans la continuité de celles qui ont été perpétrées depuis 2010 par le groupe cacique dirigé par la famille Zepeda et à présent par Elisa Zepeda, l’actuelle députée locale, présidente de la Commission de Justice du Congrès d’Oaxaca du parti au pouvoir de MORENA*.
Miguel est l’un des 7 prisonniers indigènes membres de l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón, qui se trouvent enfermés dans les différentes geôles de cet état Mexicain. Plus de 23 membres de l’Assemblée d’Eloxochitlán, hommes et femmes, sont sous mandats d’arrêts et ont été criminalisés pour avoir défendu « les us et coutumes communautaires » qui prévoient une autre façon de choisir ses représentants, s’opposant aux partis politiques soutenus par les caciques locaux qui essaient d’imposer à tout prix leur pouvoir afin de mieux contrôler la communauté par la peur et la prison.
Le 26 octobre 2018, Miguel a été condamné à 50 ans de prison.
Le 12 septembre 2019, Miguel aurait dû être présenté devant le Tribunal Mixte de Première Instance de Huautla de Jiménez, Oaxaca, pour une nouvelle comparution définitive, droit qui lui a été encore une fois refusé par la Cour, l’audience a été reportée au 19 septembre 2019.
Note : MORENA (Movimiento de Regeneración Nacional) parti politique de l’actuel Président du Mexique, Andrés Manuel López Obrador.
Le 19 septembre 2019, Miguel annonçait sa grève de la faim.
[Oaxaca] Miguel Peralta Betanzos, 16 jours en grève de la faim
Reçu de CNA- Mexique, 4 octobre 2019
16 jours en grève de la faim
Miguel Peralta Betanzos est plus pâle, fatigué avec de fortes douleurs et nausées, il perd chaque jour du poids et le juge Mixto de Huautla de Jiménez, n’a toujours pas rendu son verdict.
Pourquoi continuent-ils d’allonger l’enfermement de Miguel Betanzos alors qu’il est déjà démontré d’un point de vue juridique qu’il n’y a aucune raison pour le retenir ne serait-ce qu’un seul jour supplémentaire ?
Serait-ce parce qu’ils continuent de permettre l’ingérence de la Présidente de la Commission de Justice du Congrès d’Oaxaca ?
Qu’attendent-ils pour rendre la liberté à Miguel Peralta alors qu’il est démontré que la députée Elisa Zepeda ment et a fabriqué les délits.
Vidéo Miguel Peralta Betanzos: audience du 19 septembre 2019
Vidéo réalisée par son groupe de soutien de la mazateca.
Miguel Ángel Peralta Betanzos est un jeune indigène mazatèque, anarchiste et membre de l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón, Oaxaca. Le jeudi 30 avril 2015, Miguel a été arrêté au centre-ville de Mexico. Cette arrestation a été perpétrée avec une grande violence par trois personnes en civil sans identification ni mandat d’arrêt, accompagnées de plus de 20 policiers « ministériels » de la ville de Mexico. Toutes ces irrégularités concernant l’arrestation de Miguel constituent une attaque de plus contre l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán, dans la continuité de celles qui ont été perpétrées depuis 2010 par le groupe cacique dirigé par la famille Zepeda et à présent par Elisa Zepeda, l’actuelle députée locale, présidente de la Commission de Justice du Congrès d’Oaxaca du parti au pouvoir de MORENA*.
Miguel est l’un des 7 prisonniers indigènes membres de l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón, qui se trouvent enfermés dans les différentes geôles de cet état Mexicain. Plus de 23 membres de l’Assemblée d’Eloxochitlán, hommes et femmes, sont sous mandats d’arrêts et ont été criminalisés pour avoir défendu « les us et coutumes communautaires » qui prévoient une autre façon de choisir ses représentants, s’opposant aux partis politiques soutenus par les caciques locaux qui essaient d’imposer à tout prix leur pouvoir afin de mieux contrôler la communauté par la peur et la prison.
Le 26 octobre 2018, Miguel a été condamné à 50 ans de prison.
Le 12 septembre 2019, Miguel aurait dû être présenté devant le Tribunal Mixte de Première Instance de Huautla de Jiménez, Oaxaca, pour une nouvelle comparution définitive, droit qui lui a été encore une fois refusé par la Cour, l’audience a été reportée au 19 septembre 2019.
Le 19 septembre 2019, Miguel annonçait sa grève de la faim et du silence. Grèves qui continuent à ce jour.
Note : MORENA (Movimiento de Regeneración Nacional) parti politique de l’actuel Président du Mexique, Andrés Manuel López Obrador.
Fanzines
[Oaxaca] Voix depuis la prison : Miguel Betanzos
19 septembre 2019
OAXACA: Nouvelles du prisonnier anarchiste Miguel Betanzos: grève de la faim / Rappel – textes envoyés par son groupe de soutien, compas et ami-es.
Voilà maintenant plus de 11 jours que notre compagnon Miguel a commencé une grève de la faim, 11 jours sans obtenir aucune réponse du juge Modesto Isaías Santiago Martínez et chaque jour qui passe la santé de Miguel se détériore…
Déclaration de Miguel PERALTA en grève de la faim suite à sa dernière audience
Une fois de plus je transforme mon corps en arme de lutte contre l’injustice A partir d’aujourd’hui en plus de la grève du silence je cesserai de consommer tout type d’aliment. Grève de la faim : MENU Pour mon petit déjeuner : les casse-croûtes de la patience Pour mon déjeuner : le buffet de la résistance Pour mon goûter : le plat principal de la solidarité Pour mon dîner : le dessert de la liberté
Una vez más okupo mi cuerpo como un arma de lucha contra la injusticia. A partir de hoy, ademàs de la huelga de silencio, dejaré de consumir alimentos.
Huelga de hambre: menû Mi desayuno serán los bocadillos de la paciencia Mi comida el buffet de la resistencia Mi merienda el plato fuerte de la solidaridad Mi cena el postre de la libertad
Miguel ne mettra pas fin à sa grève du silence ni de la faim tant qu’il n’aura pas obtenu sa remise en liberté.
Pour cela nous vous appelons à nouveau à continuer à faire écho à son cri de Justice et Liberté. Chaque jour où ils le retiennent prisonnier met sa santé en danger. Au Juge du Tribunal Mixte de Première instance de Huautla de Jiménez, nous exigeons qu’il prononce immédiatement une sentence de mise en liberté pour Miguel.
Nous rendons responsable de cette situation la députée locale de Morena*, Elisa Zepeda Lagunas puisque c’est elle ainsi que sa famille de caciques qui ont fabriqué ces accusations qui conduisent à maintenir Miguel en prison. Leurs fausses déclarations ont été démontées juridiquement.
Nous exigeons du Pouvoir judiciaire de l’État de Oaxaca ainsi que du Juge du Tribunal Mixte de Première instance de Huautla de Jiménez, Modesto Isaías Santiago Martínez, une prompte et juste sentence de mise en liberté pour Miguel !!!
Nous devons continuer d’exiger que la sentence de mise en liberté soit prononcée immédiatement !
Téléphones :Tribunal Mixte de Première instance de Huautla de Jiménez, Oaxaca : +52 1 236 378 0324
Tribunal Suprême de Justice de l’État de Oaxaca : +52 1 951 501 6680
17 septembre 2019/ Texte envoyé par son groupe de soutien (résumé).
Face aux paradoxes juridiques et médiatiques nous renouvelons notre exigence :
LIBERTÉ IMMÉDIATE !
Le 12 septembre dernier, sur mandat judiciaire, Miguel aurait dû être présenté au Tribunal Mixte de Première instance de Huautla de Jiménez, Oaxaca, pour une nouvelle audience finale.
Sous le prétexte fallacieuse qu’il n’avait pu être transférer de la Prison de Cuicatlán au Tribunal car « il n’y avait pas d’unité disponible pour son transfert, toutes étant occupées dans le combat contre la délinquance », l’audience a été annulée et reportée au 19 septembre grâce à la demande exigeant que celle-ci ne soit pas encore retardée indéfiniment comme l’a été l’ensemble du procès .
L’intervention de la Cour Mixte, du Secrétariat de l’Assemblée, de La sécurité publique de l’Etat d’Oaxaca et de toutes les institutions impliquées, corrobore une fois de plus que le pouvoir cacique de la famille Zepeda, et en particulier celui de la députée Elisa Zepeda, continue d’entraver le procès et la liberation imminente de Miguel.
Nous affirmons à nouveau que le prétexte donné par le Tribunal pour retarder une fois de plus la comparution est un mensonge supplémentaire, en effet voyant passer les heures et que son excarcération n’avait pas lieu, notre compagnon Miguel nous a téléphoné et nous a fait savoir qu’il y avait un endroit dans la prison où il lui était possible de voir plusieurs patrouilles qui stationnaient ; les mêmes qui d’ordinaire servent aux transferts. Il nous a de plus, commenté que durant la semaine d’autres transferts de détenus avaient eu lieu avant et après le jeudi depuis cette même prison vers divers tribunaux afin que les détenus puissent assister à leurs audiences.
Cette tactique d’allongement du procès n’est pas nouvelle elle a été mise en œuvre tout au long du procès sous divers prétextes, bien que l’objectif soit toujours le même : empêcher que Miguel ne se défende, éviter que la vérité n’éclate, qu’elle ne sorte directement de sa bouche et qu’elle démantèle les mensonges qui le maintiennent prisonnier.
Le juge Modesto Isaías Santiago Martínez, celui-là même qui a instruit le dossier 02/2015 contre les membres de l’Assemblée Communautaire de Eloxochitlán de Flores Magón, a laissé entendre aux compagnons avocats qui s’occupent de la défense juridique de Miguel, qu’il vaudrait mieux qu’il s’abstienne de se présenter à la dernière comparution.
Nous autres, nous interrogeons : pour qui cela est-il préférable ? Sans aucun doute pour Elisa Zepeda, sa famille et le groupe politique qui la soutient. Miguel l’avait déjà déclaré : « lorsque la vérité résonne, les mensonges deviennent flous et se transforment en menaces » Telles sont les menaces, de connivence avec la députée Elisa Zepeda, que le juge de Huautla a mis à exécution en ne transférant pas à Miguel devant le Tribunal. Le sens de ces menaces est clair, si Miguel s’entête et nous avec lui à exiger et à lutter par tous les moyens juridiques et politiques pour sa liberté, alors ils continueront à ne pas le présenter devant la Cour, ils continueront d’allonger le procès, ils continueront à le punir par l’enfermement.
Rappel :
Miguel Peralta Betanzos, est un compagnon anarchiste natif de la Communauté d’Eloxochitlán de Flores Magón, Oaxaca. Depuis plusieurs années il est aux côtés de sa commune comme membre de l’Assemblée Communautaire, instance principale de la prise de décisions collectives.
Depuis 2010, le groupe cacique dirigé par la famille Zepeda a tenté d’imposer, par la force, la répression et la prison, les partis politiques leurs pratiques et leurs méthodes pour gagner des sièges au gouvernement et augmenter leurs bénéfices économiques, ce qui a déchaîné un conflit très violent au sein de la communauté.
Depuis le 30 avril 2015, il est détenu dans la prison de Cuicatlán, Oaxaca. Lui et sept autres personnes détenues ainsi qu’une vingtaine d’inculpés, sont accusés de la mort d’une personne lors d’une attaque perpétrée par le groupe cacique de Zepeda lui-même, en décembre 2014, alors que l’Assemblée Communautaire, opposée aux partis politiques, se trouvait réunie pour élire ses représentant-e-s.
Le 26 octobre 2018, Miguel a été condamné à 50 ans de prison pour tentative d’homicide qualifié et homicide qualifié, inculpations habituellement fabriquées contre les lutteurs sociaux.
Le 12 septembre 2019, Miguel aurait dû être présenté devant le Tribunal Mixte de Première Instance de Huautla de Jiménez, Oaxaca, pour une nouvelle comparution définitive, droit qui lui a été encore une fois refusé par la Cour, l’audience a été reportée au 19 septembre 2019.
Le 19 septembre 2019, Miguel annonçait dans une lettre, sa grève de la faim et du silence. Grèves qui continuent à ce jour.
* MORENA : Movimiento Regeneración Nacional, parti politique de l’actuel Président du Mexique Andrés Manuel López Obrador
[Oaxaca] Voix depuis la prison : Miguel Betanzos
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Miguel Ángel Peralta Betanzos est un jeune indigène mazatèque, anarchiste et membre de l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón, Oaxaca. Le jeudi 30 avril 2015, vers 5 heures et demi de l’après-midi, Miguel Ángel Peralta Betanzos, membre de l’Assemblée Communautaire, a été arrêté au centre-ville de Mexico. Cette arrestation a été perpétrée avec une grande violence par trois personnes en civil sans identification ni mandat d’arrêt, accompagnées de plus de 20 policiers « ministériels » de la ville de Mexico. Toutes ces irrégularités concernant l’arrestation de Miguel constituent une attaque de plus contre l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán, dans la continuité de celles qui ont été perpétrées depuis 5 ans par Manuel Zepeda Cortéz. Cet ex-président municipal siégea à la Présidence municipale après s’y être imposé de façon autoritaire, piétinant ainsi le système communautaire basé sur les « us et coutumes indigènes » dont l’Assemblée Générale est l’organe de prise de décisions.
Miguel est l’un des 12 prisonniers indigènes membres de l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón, communauté mazatèque de l’État d’Oaxaca, qui se trouvent enfermés dans les différentes geôles de cet état Mexicain. Plus de 23 membres de l’Assemblée d’Eloxochitlán, hommes et femmes, sont sous mandats d’arrêts et ont été criminalisés pour avoir défendu « les us et coutumes communautaires » qui prévoient une autre façon de choisir ses représentants, s’opposant aux partis politiques soutenus par les caciques locaux qui essaient d’imposer à tout prix leur pouvoir afin de mieux contrôler la communauté par la peur et la prison.
Prise de position de notre compagnon Miguel Peralta [Video]
Depuis la prison de Cuicatlán Janvier 2019
Il y a trois mois, j’ai été condamné à 50 ans de prison par le néfaste juge Juan León Montiel, du Tribunal Mixte de Première Instance de Huautla de Jiménez. La semaine dernière, nous avons appris que l’enquête 08/2019 a d’ores et déjà été ouverte, et qu’elle dépend de la Troisième Salle d’Audience du Tribunal de Justice de l’État de Oaxaca. Mais la salle n’a pas fixé de date pour la célébration de l’audience, qui doit consister en la présentation de la plaidoirie en appel, parce que le dossier pénal 02/2015 a été envoyé incomplet au Tribunal : en effet, il a été « nécessaire » que le juge Juan León fasse part de la condamnation à Elisa Zepeda et à son père Manuel Zepeda, personnages qui tirent les ficelles du système juridique comme s’il s’agissait d’une vile marionnette, pour faire durer notre réclusion.
Je suis pleinement conscient que la prison et l’isolement que nous vivons relèvent des actions, des omissions et des mécanismes juridiques et politiques sciemment mis en place par les représentants de la « justice » grâce aux marionnettes qui œuvrent au sein du Tribunal Supérieur et du Tribunal Mixte, sachant que la consigne et le désir de la Chargée de Commission de Justice du Congrès Local de Oaxaca est de nous maintenir loin de notre communauté. Je parle de la députée locale de Morena, Elisa Zepeda Lagunas, qui ne cesse de mentir aux médias et achète des communiqués de presse à des journaux comme El Imparcial de Oaxaca, Noticias Voz e Imagen de Oaxaca, El Universal, Milenio, et tant d’autres qui, à coup de formules sensationnalistes et sans réelle investigation journalistique de fond, persistent à relayer ce mensonge et à donner crédit à la farce montée par cette soi-disant défenseuse des droits de l’homme, qui en réalité n’a rien fait d’autre que s’enrichir et prendre le pouvoir. On croit peut-être que la classe politique ne se forme que dans des espace sociaux larges comme le sont les métropoles ou les villes, où ses membres peuvent facilement s’éclipser et disparaître, mais il n’en est pas ainsi, dans les petits villages aussi elle prolifère avec les mêmes intentions : s’approprier les territoires en imposant ses gouvernements, toujours contre l’auto-détermination des peuples.
Il est aussi certain que ces tactiques de manipulation farcesques ne se cantonnent pas au niveau municipal et étatique, mais qu’elles innervent toutes les institutions qui fonctionnent hors de la représentativité communautaire. Depuis la scène où il opère par des actes symboliques, par la recréation du passé, l’exagération démagogique et le montage virtuel, le gouvernement entrant tente de donner une bonne image de lui, tandis que, par derrière, il cimente la militarisation du pays et maintient l’armée dans les rues pour remplir des soi-disant tâches de « sécurité ». Les grands projets sont déjà décidés malgré les résultats des études environnementales et l’opposition des communautés, mais on met pourtant en scène des référendums de pacotille qui n’ont d’autre fin que de légitimer les projets en question. Voilà pourquoi le saccage historique des ressources naturelles se poursuivra, tout comme l’appropriation culturelle des connaissances ancestrales, tout comme la production de déchets toxiques qui mettent en péril la vie des peuples et provoquent leur déplacement forcé.
Les traités et les recommandations internationales, ils s’en lavent les mains. Ce qui les intéresse, c’est que le secteur des affaires soit à son aise. La défense de la vie, du territoire, de l’eau, et nos formes d’organisation sont et continueront à être criminalisées par tout gouvernement qui impose ses structures par la violence et l’utilisation du pouvoir judiciaire pour essayer de nous réduire au silence. Ainsi, nous ne voyons aucune transparence dans ce nouveau gouvernement, et encore moins une quelconque volonté de libérer les compagnon.ne.s emprisonnés pour avoir défendu tout cela, comme c’est le cas de ceux et de celle de Tlanixco, qui sont enfermé.e.s dans les prisons d’État depuis plus de dix ans déjà et dont le procès a de nouveau été reporté, ce qui retarde encore leur sortie ; ou bien le cas d’un autre compagnon, Luis Fernando Sotelo, qui s’est aussi vu refuser récemment sa mise en liberté. Comment veulent-ils que nous ne doutions pas du gouvernement et de ses paroles, si leurs actions nous démontrent qu’ils ne cesseront pas de piétiner les peuples, les collectivités et les personnes qui résistent ?
Il ne me semble pas juste qu’ils utilisent notre nom et qu’il leur serve de butin politique, parce que notre réclusion sert à défendre nos territoires, l’organisation communautaire et l’auto-détermination. Nous partageons entre nous tous et toutes, en tant que prisonnier.e.s, la fabrication de délits qui pour la majorité sont structurés de la même manière puisqu’ils ont été inventés par l’État, par des individus puissants et par des entreprises transnationales. Récemment, le gouvernement a mentionné la possibilité d’une libération par loi d’amnistie, ou quelque chose du genre, ce qui n’a pas été légiféré et encore moins adopté, tandis que nous autres nous continuons à affronter les déficiences et les négligences du système juridique. Chaque jour nous livrons bataille contre le système pénitentiaire qui tente de nous déshumaniser, nous réinventons et nous reconstruisons notre identité parce qu’aucun libre développement de notre personnalité n’est permis. Nous nous voyons obligés de consommer les « aliments » qu’ils nous imposent, ils nous forcent à acheter des uniformes que nous abhorrons, nous nous battons contre l’esclavisation du travail, et il existe en somme un nombre incalculable de conséquences à l’isolement et à la limitation de tout ce qui nous plaît. Acheter un morceau d’ananas de contrebande devient un délit simplement parce que ça fermente, la taule nous épuise, mais malgré tout cela, nous respirons, nous imaginons, et nous restons debout. Même si la couleur de la prison nous déprime, nous anesthésie, nous continuons à résister à l’obstacle en partageant des moments avec notre famille, avec nos ami.e.s, avec notre compagnon.ne. Les conflits que la prison provoque en nous, les indifférences et le manque de communication qui rend impossible toute prise de décision concernant notre détention, l’État s’en moque absolument ; ils essayent de nous faire croire qu’ils vont régler nos affaires, que la critique n’est pas nécessaire, et encore moins la mobilisation, car plus isolés nous sommes et moins mobilisés, mieux cela vaut pour eux ; c’est le meilleur moyen de nous diviser et de nous soumettre.
Mais nous ne nous tairons jamais, avec nos mots et nos actions nous persévérerons dans l’effort jusqu’à faire s’effondrer les murs. Nous pensons que la passivité du peuple ne nous mènera nulle part et que la résistance est la proposition. Parce qu’au fond, aucun individu et aucun peuple ne peut être privé de ses moyens de résistance culturelle, sociale, économique et politique. La lutte des peuples n’est pas respectée, la criminalisation de celles et ceux qui luttent continue, ce qui prouve que la volonté réelle d’une « quatrième transformation » dont on a tant entendu parler n’existe pas : le pouvoir n’a fait que changer de mains, de couleur, de personnages, mais ni de forme, ni de fond. Bien que nous ayons face à nous un groupe d’ennemis puissants, par le poste politique et patronal qu’ils occupent, secondé par les institutions d’État, la solidarité et les batailles que nous livrerons seront encore plus fortes, portées jusque dans les rues, elle ne seront pas négociées et nous ne mendieront jamais notre liberté parce que nous avons la force de lutter pour elle, chaque minute de chaque jour et à chaque instant de notre vie, et parce que nous sommes conscients que les délits qui nous tiennent enfermés ont été fabriqués.
Nous continuerons d’exiger et de lutter pour que le processus juridique cesse ses atermoiements, nous continuerons à dénoncer les vices de forme et les croche-pieds que l’on nous fait à chaque pas, nous en appelons à la solidarité pour continuer à agir ensemble dans la lutte anti-carcérale, rien ne nous arrêtera, nous leur arracherons des mains notre liberté !
Miguel Peralta
Depuis la prison de Cuicatlán
Janvier 2019
Traduction Louise
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[Mexique] Miguel Peralta Betanzos condamné à 50 ans de prison.
Déclaration de Miguel en réaction à la décision du tribunal
Depuis la prison de Cuicatlán, Oaxaca
Une nouvelle fois, nous avons pu vérifier de quel bord se situait la loi, de celui de l’ambition, du pouvoir et de l’argent. Le cynisme de la « justice » a soufflé sur les braises rageuses de nos cœurs et nous encourage à continuer la bataille contre le pouvoir. Aujourd’hui, les sentiments se démêlent, mais la raison de la liberté pousse avec plus d’empressement dans ce sac de nœuds. Nous nous débarrassons du goût amer que nous a laissé cette hypocrisie de la part du procureur du tribunal de Huautla de Jiménez, Juan León Montiel, qui répétait à l’envi que le corrompu n’était pas corrompu, et que son travail pendant 18 ans au sein de ce système en était la preuve, maintenant, il n’y a que lui pour affirmer cela. Nous continuerons à aller de l’avant, à reprendre des forces, à embrasser l’essence de la liberté. Nous ne céderons pas avant d’avoir retrouvé l’harmonie dans notre communauté, à Eloxochtilań de Flores Magón, nous ne céderons pas avant d’avoir fait respecter nos formes d’organisation, avant d’avoir démantelé les mensonges qui nous maintiennent prisonniers et persécutés, avant d’avoir fait éclater la vérité. Bien qu’ils essaient de nous faire taire en nous gardant enfermés, nous n’abdiquerons jamais.
Miguel Peralta
Depuis la prison de Cuicatlán, Oaxaca
Avec toute ma rage
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07/11/2018
Le 26 octobre, notre compagnon Miguel Peralta a été personnellement informé que le juge Juan León Montiel le considérait pénalement responsable d’avoir commis le délit de tentative d’homicide qualifié, avec circonstances aggravantes, sur la personne d’Eliza Zepeda Lagunas (ex-présidente municipale d’Eloxochitlán et actuellement députée locale de MORENA pour le district 04 de Teotitlán, Oaxaca), ainsi que de son frère Manela Zepeda Lagunas ; prononçant une sentence de 50 années de prison, en plus du paiement en réparation du dommage subi, estimé à cent cinquante mille pesos. Pour cette raison, Miguel a décidé de mettre un terme à sa grève de la faim initiée le 19 octobre dernier, afin de recouvrer des forces et de continuer dans cette deuxième étape de la lutte pour l’obtention de sa liberté.
Le processus pénal initié à l’encontre de Miguel, qui culmine maintenant avec cette sentence, a été parsemé d’irrégularités et d’inconsistances juridiques depuis son début, le tout orchestré et subordonné par la famille Zepeda Lagunas, caciques et répresseurs d’Eloxochitlán.
Salutations à tous les compas qui permettent de transmettre ces paroles sincères.
Il n’est en rien facile de faire mention de ces deux grands mots, LONGUE PEINE, quand d’avance nous savons que leurs systèmes de justice et pénitentiaire ne servent à rien ; le système judiciaire et les personnes néfastes qui dissimulent leur visage derrière la balance, avides de chair à enfermer, tergiversent et fabriquent des expédients poussiéreux pour la justice en se basant à chaque fois sur des critères personnels, moraux et sur commande, pour condamner les compas qui sont en lutte contre l’ordre établi.
De la même manière, il est très compliqué d’assimiler le temps quand on se trouve à l’isolement, et nous ne pouvons pas seulement nous arrêter de vivre en regardant comment passent les jours, les mois, les années du calendrier, et supporter l’humiliation, combattre les peurs générées par la prison, les maladies que nous contractons au fil des jours, et rechercher des alternatives, improviser la résistance pour ne pas se retrouver « la botte sur le cou » tous les jours, tout ceci est, pareillement, une tâche difficile.
La réponse à ce qui nous est imposé pourrait être une résistance accrue, une longue lutte, bien que parfois nous n’ayons plus de forces. Je crois que notre esprit résistera et se maintiendra battant, comme battent nos cœurs enragés, désireux de marcher, libres ! Un jour nous réussirons à leur arracher les nuits et les jours qu’ils nous ont volés, compañer@s.
Les prisonniers dans la rue ! À bas les murs de toutes les prisons !
[Oaxaca] Communiqué de femmes d’Eloxochitlán, pour la liberté de tous les comuneros prisonniers
Communiqué de femmes d’Eloxochitlán. Pour la liberté de tous les comuneros prisonniers.
16 mai 2018.
Nous, femmes indigènes mazatèques, filles, sœurs, mères et compagnes des 7 de l’Assemblée Communautaire de Eloxochitlán de Flores Magón*, prisonniers et poursuivis depuis le 14 décembre 2014, levons de nouveau la voix aujourd’hui pour dénoncer : pendant 3 ans et 5 mois, nous avons subi un climat de harcèlement et de persécution mis en œuvre par la famille Zepeda Lagunas, dont les membres se sont approprié un certain nombre de postes municipaux (s’imposant en faisant fi de notre système d’organisation), et usé des moyens de communication de masse, ainsi que de leurs relations politiques et de leur richesse économique pour tenter d’effacer, par tous les moyens possibles, la mémoire de ce qui se passe et de ce qui s’est réellement passé dans notre village.
Nous et nos compagnons prisonniers et poursuivis en justice vivons depuis plus de 3 ans et 5 mois déjà l’injustice de l’enfermement et l’usure émotionnelle et physique qu’elle suppose. Nos familles en pâtissent depuis que l’on nous a privés de la tranquillité de pouvoir marcher librement dans notre communauté. Nous, en tant que femmes indigènes, avons dû faire face aux rudoiements, aux attitudes désagréables et aux grossièretés des membres de ce tribunal, le Tribunal Mixte de Première Instance du District de Huautla de Jiménez. Nous, en tant que femmes indigènes de N´guixo, avons eu affaire au népotisme et à la corruption de ceux qui se présentent comme les représentants de la Justice. Cela fait maintenant 3 ans et 5 mois que nous exigeons la liberté de nos compagnons. On a cherché à nous écraser en faisant circuler de fausses rumeurs par-delà nos montagnes. Pourtant, vous, membres du Tribunal, n’ignorez pas que dans le dossier qui a été monté de toutes pièces ne figure pas une seule preuve qui justifie de garder nos compagnons en détention ni de maintenir les poursuites contre eux.
Si bien qu’au jour d’aujourd’hui, il existe plus de 5 résolutions qui jouent comme protection juridique, des procédures d’appel, et même une sentence qui a acté la remise en liberté de 7 de nos compagnons. Cessez de relayer les mensonges d’une famille qui n’a d’autre intention que celle de s’approprier notre naxinanda** et nos ressources naturelles. Cessez de faire tremper les mains de la Justice dans le jeu de la corruption et cessez de vous moquer de nous plus longtemps, cessez de retarder la liberté de nos pères, de nos fils, de nos frères et de nos compagnons.
En tant que femmes indigènes de N´guixo, nous exigeons de nouveau de vous que vous cessiez de couvrir la famille Zepeda Lagunas, que vous cessiez de servir les caciques qui se sont approprié notre communauté grâce à des discours trompeurs. Nous exigeons de vous la libération de nos compagnons, car vous savez pertinemment que dans aucun des six tomes du dossier 02/2015 ne figure la moindre raison valable pour faire durer ce mensonge plus longtemps.
C’est au nom de cette douleur et de cette rage que nous portons en nous, qu’aujourd’hui nous disons : cette plaisanterie a assez duré, ¡basta ! Aujourd’hui, mercredi 16 mai 2018, nous sommes là, en grève de la faim en solidarité avec nos compagnons prisonniers et pour exiger leur libération. Notre présence au tribunal est notre manière d’exhiber ses mensonges, et de dénoncer que le procès mené à bien jusqu’ici viole les promesses du tribunal et dément celle d’une justice soi-disant rapide et efficace. Jusqu’à aujourd’hui, ce tribunal a retardé de bien des manières la libération de nos compagnons, mais aujourd’hui nous l’affirmons : nous ne le permettrons plus. Notre voix doit être entendue et nous lutterons jusqu’à ce qu’elle le soit. Nous ne laisserons pas les mensonges continuer de grever nos vies.
Les femmes, les filles, les mères, les sœurs, les compagnes d’Herminio, Alfredo, Jaime, Omar, Fernando, Isaías, Miguel et les 16 poursuivis en justice.
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*Eloxochitlán de Flores Magón est le berceau de l’anarchiste mexicain Ricardo Flores Magón. C’est une commune d’environ cinq mille habitants qui se trouve dans la région appelée Cañada, dans l’État d’Oaxaca. Comme les deux tiers des communes de l’État d’Oaxaca, elle est régie par le système des us et coutumes ou système normatif des communautés indigènes. À la différence d’autres communes de l’État d’Oaxaca, à Eloxochitlán, les femmes participent aussi à la prise de décisions.
[Oaxaca] Miguel Betanzos : Quelques reflexions sur les changements physiques et émotionnels en prison
Reçu par mail, mars 2018
Quelques reflexions sur les changements physiques et émotionnels*
Depuis la Maison d’arrêt San Juan Bautista, Cuicatlán, Oaxaca
Miguel Peralta Betanzos
Pendant ma détention, une des premières affections dont j’ai souffert a été mon poignet gauche, cassé par les policiers qui m’avaient frappé. En raison de mon incarcération, ma blessure n’a jamais été soignée, ce qui a entraîné une limitation de la mobilité de ma main, pour développer des activités sportives, mais surtout là où je le ressens le plus c’est dans le travail, notamment lorsque je tisse.
Lorsque j’étais dehors j’étais rarement malade. Maintenant, j’ai développé des maladies telles que la sinusite, des gastrites et des migraines qui ont augmenté je pense à cause du climat, qui est chaud et humide, mais aussi du stress, des préoccupations, de l’anxiété, qui sont des sentiments dont je n’avais pas l’habitude. Je souffre désormais de maladies respiratoires et comme il est rare que le système carcéral fasse un suivi médical, ce sont ma famille, mes compagnons qui s’occupent de mon cas, qui se chargent de m’apporter des médicaments pour tenter de soulager un peu ces maux. Cette situation m’a conduit à consommer des médicaments car en prison on ne nous permet pas de nous soigner avec la médecine traditionnelle de nos peuples, et c’est vrai que je n’étais pas habitué à prendre ces médicaments. Par exemple, je n’ai pas eu le droit de faire rentrer des plantes ou d’autres remèdes pour me soigner alors que dehors j’aurais pu le faire, et, de fait, ceci a aussi engendré une perte, une rupture de mon identité.
Nous sommes limités dans notre épanouissement plein et entier, par exemple concernant l’habillement, je regrette la diversité des couleurs, de ne pouvoir porter une casquette, de me laisser pousser la barbe. Tout cela m’empêche de me sentir comme un être qui se réalise totalement.
Ça me paraît bizarre et incongru, de savoir qu’une sensation qui auparavant pouvait me procurer du plaisir quand j’étais dehors, je me réfère à la nourriture, comment aujourd’hui cela me rend aigri et comment je peux être de mauvaise humeur en ressentant le mal du pays.
J’ai changé mes habitudes de sommeil, maintenant je ne peux plus dormir avec cette tranquillité qui me reposait comme lorsque j’étais dehors. Avant je dormais six heures aux côtés de ma compagne et maintenant je dors trois ou quatre heures par nuit avec cinq compagnons de cellule.
J’en ai jusque par-dessus la tête d’entendre le cliquetis des clefs et le bruit des bottes qui ouvrent et ferment les portes et les cadenas. Tous ces bruits ne me procurent aucun repos et encore moins confiance. Plein de choses me manquent comme prendre un coq dans les bras, écouter une chanson qui me plaise, fouler la terre aux pieds, la sentir et fumer. J’ai la nostalgie de mes marches sous la pluie, du brouillard, de sentir ce climat de la montagne et d’entendre ces bruits. Les bruits des oiseaux, des rivières, du moulin à maïs, à café. Toucher les plantes, récolter le café et le maïs, toucher la terre, l’eau, manger des fruits, danser.
Toute cette surveillance et cette sécurité m’ont, paradoxalement, rendu méfiant à plus d’un titre. Comme, par exemple, pour des choses concernant des échanges au travail, ou acquérir des objets pour la toilette, et dans les relations affectives j’en suis arrivé ycompris à douter de mes compagnons, de ma compagne non du point de vue politique mais au niveau des sentiments, émotionnel, ce qui me met de mauvaise humeur et déclenche une lutte interne pour ne pas me laisser emporter par ces sentiments.
Mais malgré ce que je vous raconte, je cherche à exercer non seulement mon corps mais également mes sens et mon esprit grâce à l’imagination, et en profiter lorsque je sors pour les audiences (même si ce ne sont que quelques moments, car dès mon retour en prison ils me les reprennent). Je tiens à souligner que depuis que je suis enfermé, quelque chose dans ma façon d’être n’a pas souffert des conséquences, et qu’ils n’ont pas non plus réussi à transformer négativement, c’est ma conscience et ma lutte constante pour maintenir ce en quoi je crois, qui je suis et surtout les personnes que j’apprécie.
– Miguel Peralta Betanzos –
*Extrait du livret / fanzine : « Reflexions sur les changements physiques et émotionnels en prison »
Traduit par nos soins
[Oaxaca] La lutte pour l’autonomie à Eloxochitlán de Flores Magón (deuxième partie)
Eloxochitlán de Flores Magón est le berceau de l’anarchiste mexicain Ricardo Flores Magón. C’est une commune d’environ cinq mille habitants qui se trouve dans la région appelée Cañada, dans l’État d’Oaxaca. Comme les deux tiers des communes de l’État d’Oaxaca, elle est régie par le système des us et coutumes ou système normatif des communautés indigènes. À la différence d’autres communes de l’État d’Oaxaca, à Eloxochitlán, les femmes participent aussi à la prise de décisions.
Depuis 2010, suite à l’intervention des partis politiques, un conflit social qui oppose deux positions diamétralement opposées, s’est fait jour dans la vie quotidienne de la communauté. D’un côté se trouvent ceux qui considèrent que les partis politiques doivent rester à l’écart de la prise de décisions, puisque traditionnellement l’assemblée communautaire est l’espace pour élire les autorités. De l’autre côté se trouvent ceux qui ont ouvert les portes aux partis, mettant en place des pratiques comme la coercition ou l’achat de votes, ce qui représente une violation des us et coutumes.
Ce conflit a affecté profondément la communauté; tortures, emprisonnements et déplacement forcé ne sont que quelques unes des blessures qu’a dressé un mur de douleurs entre les habitants d’Eloxochitlán, qui depuis 2010 et jusqu’au jour d’aujourd’hui continuent de lutter pour obtenir justice, là même qui semble, comme dans la plupart du territoire mexicain, être absente ou en faveur d’une seule des parties.
Ce qui suit est la deuxième partie* d’un article qui reprend le déroulement chronologique de certains des éléments clés qui ont marqué le développement de ce conflit.
[Oaxaca] Deux ans de réclusion – Lettre de Miguel Betanzos
Le 30 avril, cela fera deux ans depuis mon arrestation et le début de ma réclusion. Deux longues années que je pourrais vous raconter : secondes, heures, minutes et nuits volées, jours d’angoisse et d’impuissance, de haine de l’État et de ses institutions. Le quotidien qui m’use. L’individualisme qu’on nous oblige à reproduire, et que j’abhorre. Les nécessités et les maladies que nous inoculent les murs de la prison. Est-ce du temps perdu ? Non, car ce furent aussi deux ans d’accompagnement par les compas, de solidarité, de résistance quotidienne, d’apprentissage en commun, d’appui de gens dont tu ne vois pas bien qui ils sont, et même aujourd’hui on ne se connaît pas personnellement, mais maintenant on sait qu’on est ensemble. Deux ans de rire, et deux ans où l’on ne cesse pas de regarder le nouveau soleil et de rêver, tandis qu’on s’oppose au contrôle de tous les faits et gestes.
Il est de notoriété publique que le système judiciaire officiel n’a pas été conçu pour les gens du peuple. La classe politique despotique veut nous faire croire qu’elle administre la justice grâce aux réformes élaborées selon son bon plaisir, alors qu’elle nous traite comme des délinquants, des terroristes ou des ennemis, faisant de nous un numéro de plus dans ses statistiques, tentant d’anesthésier nos consciences, décorant les archives et les dossiers couverts de poussière avec de nouveaux concepts. (De toute façon, à la fin t’es foutu si tu rentres pas dans leurs réformes.) Ça ne leur suffit pas de vérifier ton innocence, en plus ils prétendent te réadapter à leur manière de vivre, à toujours nous soumettre face à eux. Et pourtant, nous avons en nous cette petite goutte qui nous fait lutter et que nous essayons de répandre, ce que nous appelons liberté et qui jamais ne deviendra une loi ni ne pourra se réformer.
Tant que l’impunité continuera de régner, comme à Eloxochitlán de Flores Magón, nous chercherons les moyens de résister. Nous trouverons comment nous organiser pour détrôner ceux qui se croient intouchables et qui utilisent pour leurs fins propres les discours de défense de leur communauté, qui maîtrisent grâce à de l’argent volé, les publications et les médias de désinformation, tandis que dans leur village, tout ce qu’ils font est de flatter leur propre ego, s’en mettre plein les poches et renforcer leurs moyens de répression, en terrorisant à coups de menaces et de bâtons ceux qu’ils sont censés « défendre et représenter »…
Pour l’heure, dans le cadre de cette résistance quotidienne, nous appelons les individus, les collectifs et quiconque voudrait participer, à se réunir le 30 avril pour une journée de dénonciation afin d’exiger, avec les moyens dont ils disposent, notre libération. Nous proposons de fabriquer des pancartes, de peindre, de passer des appels téléphoniques au tribunal de Huautla (012363780324), d’organiser des manifestations politiques en tout genre. Enfin quoique ce soit qui puisse nous rendre visibles et faire entendre nos voix de ras-le-bol, l’exigence de la libération des prisonniers politiques de Oaxaca et du monde entier, ainsi que le retour dans leurs foyers de ceux qui continuent d’être persécutés et déplacés.
Je profite enfin de cette lettre pour saluer tous ceux qui ont été présent.e.s au cours de ces deux longues années. Je tiens à remercier spécialement le collectif Los otros abogados, qui a dû supporter les moqueries et le cynisme de la soi-disant justice. Solidarité avec la grève de la faim des prisonniers et prisonnières de Palestine en Israël, et avec les communautés nahuas et purépechas du Michoacán.
Liberté pour Eloxochitlán de Flores Magón, Oaxaca. Liberté pour Roque Coca et Alvaro Sebastián. Liberté pour les prisonniers de Tlanixco et de l’Amate. Liberté pour Fernando Bárcenas, Luis Fernando Sotelo, Abraham Cortés. Liberté pour tous ceux faits prisonniers pour avoir lutté. Prisonniers dans la rue.
Miguel Peralta
– Cuicatlán, Oaxaca –
Traduction Lucio / correction Patxi
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[Oaxaca] Depuis la Maison d’arrêt San Juan Bautista, Cuicatlán : Miguel Peralta Betanzos
Souvenir
Souvenir (non pas comme ces dates de commémoration, mais comme une vie toute entière de révolte) de tous les êtres ingouvernables et inadapté-e-s qui ont combattu l’Etat dans sa plus pure essence, le capitalisme, le militarisme, la domination et l’oppression, l’industrialisation de la pensée sous toutes ses formes et modalités et, pourquoi le taire, l’injustice et la justice coercitive.
Faisant un bref bilan des dommages, nous pensons tout particulièrement aux compas à qui l’on a arraché la vie dans les cages de la misère humaine, ce sont d’eux et d’elles dont nous nous souvenons parce que leurs esprits se sont propagés sur le chemin de la liberté, et tout spécialement celui de Ricardo Flores Magón qui, comme nous le disait Librado Rivera dans un écrit de 1923 où il évoque l’assassinat de Magón dans le pénitencier de Leavenwort :
“ même si sa mort soudaine ne lui a pas permis de voir ses chers idéaux de liberté, d’amour et de justice se réaliser, ses rêves de bonheur n’ont pas disparu avec lui : ils vivent comme des phares lumineux qui éclairent les esprits d’une humanité qui souffre les tortures de la faim et de la misère. Et tant que sur la Terre existera un seul coeur meurtri, un seul oeil empli de larmes, déclara-t-il à ses bourreaux, mes rêves et mes visions devront continuer à vivre.”.
Et c’est ainsi que 94 ans après son assassinat, ses idéaux résonnent toujours en nous, notamment pour atteindre ceux de justice et bonheur, alors que nous marchons aux côtés de nos frères et soeurs qui aujourd’hui, partout sur le globe, vivent l’enfermement pénitentiaire et tentent de soutenir leurs ailes que l’on a voulu briser. A vous, sachez-le, nous ne vous oublions pas.
Aujourd’hui également, nous nous souvenons de tous ceux qui, jour après jour, combattent le grand enfermement à l’air libre, à elles, à eux vont ces paroles de souvenir, de mémoire, qui crient, et qui exigent…
Miguel Peralta Betanzos
Maison d’arrêt San Juan Bautista, Cuicatlán, Oaxaca
21/11/2016.
Traduction Amparo / Correction Myriam
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Plus d’infos :
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Traductioncollective
Ce bulletin a pour but de diffuser l’un des cas de répression qui ravagent le territoire dénommé Mexico, il a été réalisé dans le cadre de la Semaine Internationale de Solidarité avec les Prisonnier.e.s Anarchistes, qui a eu lieu du 26 au 30 août 2015. Ce bulletin a été réalisé par des personnes solidaires de l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón, Oaxaca, alors que 12 de ses membres sont toujours emprisonnés pour avoir défendu leur territoire et les décisions politiques prises par l’Assemblée. Ce bulletin a été créé sans aucun but lucratif. Nous encourageons toute forme de solidarité envers nos compagnons et compagnonnes prisonnier.e.s.
[Oaxaca] Qu’est-ce que c’est le temps, en prison : Miguel Betanzos
Lettre de Miguel Ángel Peralta Betanzos Depuis la Cellule 2 couloir C Maison d’Arrêt de Cuicatlán, Oaxaca.
Qu’est-ce que c’est le temps, quand, en prison, on en a trop ?
On danse avec l’ombre, on joue avec nos rêves et on rit
On marche sur la voute céleste
On pleure en silence
On est parfois morts en vie
On chante et on se révèle face à leurs murs et à leurs barreaux
On se nourrit des déchets que jette la société ; on les recycle
On aiguise nos sens.
On détruit tous les jours ce qui est en place, on dés-arme la réalité.
On s’énerve contre nos pensées et nos camarades, (mais) pas tous les jours
On marche sur la corde fragile du châtiment, on dessine des visages avec les nuages,
On s’efforce de rendre les jours plus légers et, par nécessité,
On regarde toujours le ciel, mais aussi là où on met les pieds,
On entend des voix, on discute avec elles et on aperçoit des visages dans l’obscurité
On apprécie le vol des oiseaux, on aime la vie, on se trouve toujours dans la salle d’attente,
D’attente de Justice, d’une visite ou de liberté ? Qui sait ?
On se languit des personnes que l’on aime, on y pense,
On s’endort avec la lune et on tombe amoureux de la liberté en attendant une nouvelle aube
Lutter, endurer, résister,
Saluts fraternels à ceux et celles qui se sont solidarisés cette année.
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11 lettres anti – carcérales
Le silence dans l’obscurité chante et danse la musique de
la liberté à tous les incarcérés…
L’eau coule, se gonfle et excite les grillons
qui se préparent à la révolte.
Les oiseaux dans leurs cages sortent de leur léthargie et
cessent de siffler pour toujours…
Le silence s’est rompu
Le bruit, la rage et la colère deviennent complices des sentiments
et prononcent lentement la sentence de l’écroulement de la pensée.
Miguel Peralta Betanzos
Traductions Marion et Amparo / correction Val
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Lettre publique*
Depuis la Cellule 2 couloir C
Maison d’Arrêt de Cuicatlán, Oaxaca.
Alors ? Comment ça va ?
Bonjour à tous les compas, c’est une grande satisfaction de savoir qu’il existe dans l’univers des êtres solidaires avec les personnes enfermées, qui partagent expériences, luttes, résistances et qui nous accompagnent pas à pas pour atteindre le sentier de la liberté pleine ou qui la réinventent. A tous ceux qui se sont rassemblés pour développer ces activités, salutations et je vous embrasse fraternellement.
Presqu’un an que je suis enfermé et je suis encore debout grâce à vos encouragements, vous qui connaissez ma situation juridique et les autres à qui je n’ai pas raconté que mes audiences sont régulièrement reportées à des dates ultérieures. Jusqu’à maintenant et depuis le mois de décembre dernier c’est la quatrième fois, pour différents motifs, mais à la fin les prétextes sont toujours les mêmes : manque de pièces et les juges se renvoient la balle. Ces audiences doivent servir à initier le recours pour garanties individuelles (procédure d’amparo) ; si ce n’est pas le cas, alors nous devrons aller au procès avec présentation de preuves. Je sais que le chemin à parcourir sera très long mais je ne renoncerai pas. Il y a quelques jours j’ai appris qu’ils sont sur le point d’émettre d’autres ordres d’appréhension pour d’autres délits, vols et dommages à la propriété d’autrui, pour ceux qui sont déjà enfermés et pour d’autres compagnons de l’assemblée qui ont participé à la lutte pour notre liberté. Ainsi, nous nous rendons compte que ce n’est qu’un artifice supplémentaire de la part de l’Etat pour nous criminaliser en tant que peuples autochtones.
Notre village Nguixó, ce qui signifie « sous les nuages » et qu’en espagnol on appelle Eloxochitlán de Flores, se trouve enclavé dans les montagnes de la Sierra Madre occidentale dans l’Etat de Oaxaca. Nous sommes mazatecos et notre village compte environ huit mille personnes réparties dans dix-huit quartiers. Il existe une organisation communautaire pour élire nos représentants, tout se fait sur la base des décisions prises lors des discussions et des accords durant l’assemblée. Ces deux dernières décennies les femmes et les jeunes ont pris une part importante dans la participation à celle-ci ; nous faisons aussi des travaux collectifs que nous appelons “faena” (corvée, boulot), “tequio”, “mano vuelta” et qui dans notre langue s’appellent xa´mosen. C’est le travail extra (de « enmedio »), celui qui ne rapporte aucun salaire hormis la satisfaction de partager, de mettre en commun et qui est basé sur la réciprocité. Il existe différentes tâches comme le nettoyage des chemins qui délimitent notre territoire avec d’autres villages ; cela se fait tous les ans, l’appel pour ce travail se fait avec une corne ou un coquillage. C’est aussi le cas pour les semailles du maïs, on invite les amis, les compadres, la famille et le travail devient une fête et un rituel de la terre, nous faisons de la même façon pour construire une maison ou pour la réparer.
Notre village est riche en ressources naturelles, eau, bois, montagnes et c’est de ce butin que les caciques ont l’intention de s’emparer. Notre lutte va donc dans ce sens. D’abord défendre notre système communautaire pour que les partis politiques ne puissent pas entrer, et défendre les ressources naturelles ; cela a entraîné un conflit à l’intérieur du village avec divers affrontements. Les caciques ont embauché des paramilitaires pour tyranniser et punir nos compagnons. L’armée a perquisitionné des maisons sous prétexte de chercher de la drogue et des armes et ils l’ont fait dans les quartiers les plus organisés. Suite à notre emprisonnement, nos familles se sont déplacées mais elles continuent en résistance, nous savons qu’arrivera le jour où nous reviendrons. A la date d’aujourd’hui, nous sommes douze prisonniers disséminés dans les prisons de l’Etat, onze hommes et une femme.
Une autre chose que je voulais vous faire partager : il s’agit de la lutte à l’intérieur de cette prison. Tout d’abord pour l’introduction d’aliments vu qu’ils sont très limités ; pour les services de santé qui sont inexistants ; un exemple, il y a quelques jours, il y a eu une épidémie de rhume et ceux de l’Etat sont venus nous vacciner contre la grippe, nous avons aussi gagné la bataille pour obtenir des téléphones qui ne soient pas contrôlés par le système. Voilà, petit à petit nous avançons.
Bon assez bavassé, je crois que je vais réussir à vous endormir… je sais qu’un grand océan nous sépare mais nos pensées se rejoignent, c’est comme ça, la distance et le temps ne sont que des constructions mentales. Jamais nous ne serons de la chair à prison, nous détruirons le quotidien, nous ne nous habituerons pas à ces murs, notre esprit ne se convertira pas en pierre, Jamais !
Salut à tous les prisonniers du monde ! Que tout aille pour le mieux !
Cellule 2 couloir C des pourris Maison d’Arrêt Cuicatlán Oaxaca, Miguel Ángel Peralta Betanzos
Lettre lue et envoyée pour la Journée de Solidarité avec les prisonnier-e-s en lutte au Mexique organisée à Besançon par Caracol Solidario- Besançon, Le Groupe Proudhon – FA, Besançon, Le Resto Trottoir – Besançon et Les trois passants – Toulouse (9 avril 2016)
Eloxochitlán de Flores Magón est le berceau de l’anarchiste mexicain Ricardo Flores Magón. Magón est né le 16 septembre 1873 à Eloxochitlán (État d’Oaxaca) et mort le 21 novembre 1922 au pénitencier de Leavenworth au Kansas, États-Unis. Il est à l’origine du mouvement le plus radical de la Révolution mexicaine, le magonisme. À la tête du Parti libéral mexicain (PLM), il devient le fer de lance de l’opposition au régime autoritaire et corrompu de Porfirio Díaz. Durant son exil aux États-Unis, où il fuit la répression, il manifeste son adhésion à l’idéal anarchiste. Ennemi acharné de l’autorité, du capitalisme et de l’Église, il consacre sa vie à la lutte contre l’oppression du peuple mexicain et, par extension, de l’humanité dans son ensemble. Militant politique, propagandiste, journaliste, Ricardo Flores Magón est aussi l’auteur de nombreux contes, publiés dans le journal qu’il dirige; le journal independant de combat « Regeneración ». Lire la suite
Miguel Peralta Betanzos de l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón,
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Oaxaca: Voix depuis la prison, Miguel Peralta Betanzos
Un jour de plus, c’est toujours un jour de moins
Par Miguel Betanzos
La prison ou centre de réadaptation sociale ? Ah ! Ah ! Ah ! Laissez-moi rire.
Un espace de ségrégation des individus-personnes, de discrimination, de non personnes, d’exclusions, de sans droits, de sous-alimentation, de non accès à la santé, un espace d’isolement, sans éducation, certainement pas un espace d’épanouissement de la sexualité.
Toujours obéir à des ordres, à des règles “de bon comportement ou de bonne conduite”, à des horaires établis et des appels à cause de la fameuse fuite, l’évasion ; des espaces mal organisés, ou plutôt pas d’espace, pour les loisirs, le travail ou pour faire du sport et des installations en très mauvais état, bref, un lieu de détenus et de surveillants, de policiers et de directeur, de balances, pourquoi ne pas le signaler.
Selon les dires du directeur et des surveillants nous sommes au paradis mais pour nous qui nous trouvons ici et pour ceux qui ont été dans d’autres centres pénitentiaires, toutes les prisons sont les mêmes.
En ces lieux, la faune est diverse et habituellement l’agitation commence à 6:00.
Les cinq chargés de préparer les aliments ouvrent la cuisine, le bruit commence avec le son des casseroles et des cuillères, tout un orchestre, même les oiseaux les accompagnent. On commence à entendre les premiers bonjours, dans le petit couloir entre la cuisine, la menuiserie et les toilettes.
7:00 du matin, c’est l’appel, toujours ponctuel, les yeux baissés, ça c’est leur discipline. Après l’appel on se met en rang pour la distribution des outils de travail dans la cage, ils ouvrent la menuiserie, ils allument la scie circulaire et la radio s’y mêle aussi. Parfois on n’arrive pas à faire la différence entre un son et un bruit, il y en a toujours un pour siffler une chanson du coin, une chilienne pour changer un peu et diversifier… On se réunit aussi dans l’espace fumeur pour partager une cigarette et raconter les histoires qui nous arrivaient là-bas quand on était dehors et il y a aussi l’ouverture de la petite boutique où l’on peut acquérir divers articles pour l’hygiène personnelle, savon, dentifrice, rasoir, et aussi des gâteaux secs, des chips, des tartes, des bonbons, etc.
Aux environs des 7:30 on entend la voix de celui qui est chargé de distribuer les tâches de nettoyage des toilettes, des douches, couloir et cuisine, manaaaaaaaaaaaaaards, manaaaaaaaaards (tâcherons). Comme des moutons que le berger appelle pour leur donner du sel, ceux dont c’est le tour accourent et on distribue les tâches : recycler les poubelles, ramasser les papiers des toilettes, pour German et Mario les fourneaux (comal), laver et passer la serpillière, pour Carlos nettoyer le couloir, pour Torres nettoyer la table, pour Ernesto laver les casseroles. C’est comme ça pendant tout un mois, chacun essaie de se réveiller avec son activité et la musique de l’eau commence, on rince, on arrose et on rassemble les seaux, chaque goutte tape sur un tambour. Et quand c’est fini tout s’en va et il ne reste que notre corps. Mais ce que l’on peut faire comprendre c’est que notre esprit, nos pensées, nos rêves sont libres, eux ne rentreront jamais dans la routine qu’impose le système. Les barreaux se diluent et on traverse les murs, les chants des oiseaux accompagnent l’eau, s’assemblent avec les coups de tonnerre et les éclairs dans le ciel…
Et ainsi la journée s’en va, ils nous l’ont prise, ils nous l’ont volée.
Traductions : Amparo, Patxi et Les trois passants Corrections : Myriam et Val
Miguel Peralta Betanzos est un jeune anarchiste membre de l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón, Oaxaca. Le jeudi 30 avril 2015, vers 5 heures et demie de l’après-midi, Miguel Ángel Peralta Betanzos, membre de l’Assemblée Communautaire, a été arrêté au centre-ville de Mexico. Cette arrestation a été exécutée sans identification et sans mandat d’arrêt, avec une grande violence, par trois personnes habillées en civil accompagnées de plus de 20 policiers ministériels de la ville de Mexico. Toutes ces irrégularités concernant l’arrestation de Miguel constituent une attaque de plus contre l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán, dans la continuité de celles qui sont perpétrées depuis 5 ans par Manuel Zepeda Cortéz. Cet ex-président municipal siégea à la Présidence municipale après s’y être imposé de façon autoritaire en piétinant ainsi le système communautaire basé sur les « us et coutumes indigènes » dont l’Assemblée Générale est l’organe de prise de décisions. Le cas de Miguel Peralta Betanzos commence à sortir de l’ombre et à se diffuser au Mexique et ailleurs.
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Communiqué « Le système d’application de la justice à Oaxaca est pourri, de fait il empeste… »
Les ami-e-s, compagnon-nes, familles et individus solidaires de l’assemblée communautaire d’ Eloxochitlán de Flores Magón
18 août 2015
Après 110 jours de détention de notre compañero Miguel Ángel Peralta Betanzos, membre de l’assemblée communautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón, Oaxaca, nous voulons vous faire savoir que le procès juridique qui s’est déroulé jusqu’à maintenant a été une nouvelle fois perturbé par ceux qui disent rendre la justice dans ce pays.
Après la sentence d’emprisonnement que le juge de Huautla de Jiménez, Oaxaca a prononcé le 7 mai, sa défense a opposé deux appels pour exiger la liberté de Miguel. Le délai juridique étant de trois mois, soit avant la date du 7 août, ces recours auraient du être résolus cependant le juge de Huautla n’a pas permis le déroulement du procès puisqu’il a retenu les documents qui avaient été sollicités par les juges de Oaxaca pour résoudre la situation légalement. Au jour d ‘aujourd’hui trois audiences ont été reportée suite aux omissions du juge de Huautla c’est pour cela qu’est prévue le lundi 24 août la prochaine audience pour résoudre certains des recours juridiques*.
Dans le cadre de la semaine internationale en solidarité avec les prisonniers anarchistes, ami-e-s, compagnon-nes, familles et individus solidaires lancent un appel à la solidarité pour exiger la rapide libération de Miguel Ángel Peralta Betanzos, emprisonné dans le centre pénitentiaire de Cuicatlán, tout comme des neufs prisonniers de l’assemblée communautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón, qui se trouvent emprisonnés à Ixcotel, ainsi que la suspension des ordres d’appréhension des membres de l’assemblée. [À Oaxaca, une action aura lieu ce 25 août en solidarité avec les prisonniers d’Eloxochitlán]**.
De même, nous exigeons la libération de notre compagnon Roque Coca, détenu le 7 juin dans la ville de Oaxaca, incarcéré depuis en compagnie de 7sept autres indigènes dans la prison de Perote, Veracruz, sans avoir reçu de notification légale de la raison pour laquelle il se trouvait là, de qui l’accuse et de quoi.
Liberté immédiate pour les 10 prisonniers de l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón incarcérées pour raisons politiques !!! Liberté immédiate pour Roque Coca !! Armée hors des rues de Oaxaca!!!
« La rébellion est la vie, la soumission c’est la mort »
( Ricardo Flores Magón) Liberté pour les prisonniers !
Appel lancé par les ami-e-s, compagnon-nes, familles et individus solidaires pour la liberté de Roque Coca et les prisonniers de l’assemblée communautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón.
*L’audience de Miguel Betanzos a été reportée au 24 septembre prochain.
**À Mexico, une action a eu lieu le 25 août à la Casa de Representación de Oaxaca
Traductions : Amparo, Patxi et Les trois passants Corrections : Myriam et Val
[OAXACA] Voix depuis la prison : Miguel Peralta Betanzos
Lettre de Miguel Peralta Betanzos à l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón
Comment va compañeros ?
J’aimerais bien pouvoir vous serrer la main mais malheureusement ces quatre murs nous en empêchent. Croyez bien que dans le lieu où ils m’ont maintenant enfermé, ce n’est pas facile de supporter le froid, ils ne me laissent pas sortir, même pas pour prendre le soleil, je suis au mitard, la nourriture est infecte, la nourriture du village me manque, les plantes que notre terre produit, les galettes de maïs que seule ma mère sait faire. Vous aussi vous me manquez.
Je sais que cette lutte n’a pas été et ne sera pas facile, nous avons trébuché trop souvent, mais nous avons aussi appris à nous relever. Le gouvernement nous a mis face à de nombreux obstacles parce que nous sommes des gens humbles mais nous avons un grand cœur, un esprit inébranlable et une pensée commune ; je dis « nous » parce que je me sens avec vous qui luttez et résistez depuis votre tranchée : notre peuple.
J’espère que cette rage, ce courage, cette nécessité que nous soyons bientôt tou-te-s réuni-e-s ne se perde pas en simples paroles et que, dans les faits, nous continuions d’exiger la liberté de tous nos compañeros qui sont en prison.
Comme vous le savez, l’ennemi veut tous nous voir derrière les barreaux afin de se sentir maître de notre village, mais il n’y arrivera pas, car ses mensonges, il ne peut pas les soutenir, ni les justifier. On sait bien qu’il y en a beaucoup qui vont nous montrer du doigt, c’est pour cela que nous devons faire très attention et que nous devons prendre soin de nous.
Je pense que le plus important à présent est que malgré tout, nous apprenions à rester uni-e-s. Cela va être la tâche la plus difficile pour tout le monde, d’arriver à discuter de nos différences tout en continuant à aller de l’avant. Ne nous laissons pas intimider, bien que les menaces soient quotidiennes, ne nous arrêtons pas, marchons ensemble dans nos quartiers et dans nos hameaux.
Je salue mes ami-e-s, mes cousins, oncles, tantes, ma famille où qu’elle se trouve, mon père, Pedro Peralta Carillo, qui continue de résister depuis la prison de Cuicatlán et qui nous a tant appris, les compañeros emprisonnés à Ixcotel, les enfants, les jeunes, les femmes et nos grands pères et grand mères de l’Assemblée Communautaire qui nous maintiennent en vie.
12 mai 2015 Tlaxiaco, Miguel
Traduction Patxi
Oaxaca : Arrestation d’un membre de l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón
Aux médias libres nationaux et internationaux
Aux collectifs sociaux et politiques, indigènes de la ville ou de la campagne, étudiants et ouvriers
Aux individus solidaires
Dimanche 3 mai 2015
Jeudi 30 avril dernier, vers 5 heures et demie de l’après-midi, Miguel Ángel Peralta Betanzos, membre de l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón, Oaxaca, a été arrêté sur son lieu de travail au centre-ville de Mexico. Cette arrestation a été exécutée sans identification et sans mandat d’arrêt, avec une grande violence, par trois personnes habillées en civil accompagnées de plus de 20 policiers ministériels du D.F. [ville de Mexico]. Ces personnes ont agressé Miguel ainsi que les gens qui l’accompagnaient quand ils leur ont demandé le pourquoi de cette arrestation.
Pendant plus de 26 heures, Miguel a été porté disparu et privé de liberté, d’abord avec la complicité de la police du Ministère Public de la Délégation Cuauhtémoc, ensuite avec celle de la police municipale de Teotitlán de Flores Magón, Oaxaca, qui l’a alors amené à la prison de Tlaxiaco. Ce n’est que le samedi 2 mai à 6 heures de l’après-midi qu’il a été présenté devant le juge de Tlaxiaco, qui à son tour a transmis le cas au tribunal de la ville de Huautla de Jiménez.
Toutes ces irrégularités concernant l’arrestation de Miguel constituent une attaque de plus contre l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán, dans la continuité de celles qui sont perpétrées depuis 5 ans par Manuel Zepeda Cortéz, ex-président municipal. Celui-ci, qui siégea à la Présidence municipale de 2010 à 2013 après s’y être imposé de façon autoritaire, est également soupçonné de détournements de fonds publics. Parmi ces attaques, signalons l’embuscade tendue contre la caravane annuelle en hommage à Ricardo Flores Magón qui eut lieu à Puente de Fierro, et que les habitants d’Eloxochitlán avaient organisée pour se rendre au Panthéon des Hommes Illustres de la ville de Mexico, le 20 novembre 2012. Signalons aussi la séquestration, la torture et l’emprisonnement de Pedro Peralta Carrillo en août de la même année, alors qu’il participait à un « tequio » pour les ravages causés par un ouragan. Pedro est toujours dans la prison de Cuicatlán, Oaxaca, dans l’attente de son jugement.
À cause de tout cela, nous, les habitants d’Eloxochitlán, les parents et les amis de Miguel Peralta qui nous solidarisons avec l’Assemblée Communautaire, nous dénonçons les actes arbitraires appliqués contre nos compagnons et contre nos compagnonnes qui ont été obligé-es de s’exiler de leur communauté aimée. Nous lançons un appel urgent à la solidarité au peuple du Mexique en général, aux organisations politiques et sociales internationales et aux individus solidaires pour qu’ils restent attentifs aux prochaines actions pour la justice et la liberté d’Eloxochitlán et de ses habitant-e-s.
Liberté pour Miguel Ángel Peralta Betanzos, Pedro Peralta Carrillo, Wilfrido Salazar Herrera, Fernando Gavito Martínez, Herminio Monfil, Rubén Cerqueda Jiménez, Omar Morales, Jaime Betanzos, Alfredo Bolaños et Raúl Betanzos !
Halte aux mandats d’arrêt contre plus de 20 membres de l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón!
La rébellion est la vie, la soumission est la mort ! (Ricardo Flores Magon)
La famille, les ami-es et les collectifs solidaires avec l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón.
Lettre de Miguel Ángel Peralta Betanzos, communard prisonnier de l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón, actuellement emprisonné.
4 mai 2014
Cela fait quatre jours que je suis reclus dans cette cellule de châtiment où nous nous trouvons à trois, et où nous avons pour seuls droits ceux de recevoir le déjeuner, de la nourriture et un thé ou du café le soir, et de passer un appel téléphonique si seulement nous avons la chance d’avoir une carte . L’espace où nous sommes mesure 2 mètres de largeur sur 2 de longueur, avec le sanitaire et le lavabo inclus. Seul un petit orifice d’environ 20 centimètres de longueur sur 12 de largeur nous permet d’observer les autres compagnons mener leurs activités (élaboration de sacs, paniers, différents artisanats, hamacs, activités dans la charpenterie ainsi que l’équipe qui joue basketball), mais de cette cellule de châtiment il nous est interdit de sortir.
Je me trouve dans cette ville suite à un ordre de monsieur le cacique Manuel Zepeda Cortés, à qui nous nous sommes toujours opposés, puisque depuis trois ans il a pillé les ressources naturelles de notre peuple en extrayant des pierres, du gravier, du sable de la rivière Petlapa. Il a détruit des coteaux dans les quartiers « de Agua Torcida y Las Trancas » pour triturer la pierre et pour ainsi faire une affaire juteuse à l’intérieur de la commune. Dans ce but il a centralisé le système politico-comununautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón à travers l’usage indistinct de la violence, l’intimidation, l’achat de votes, la manipulation des programmes sociaux, et une persécution systématique de ses opposants, en manipulant l’information avec l’entière complicité des médias locaux et étatiques.
Pendant les trois ans de son mandat, de 2011 à 2013, les droits humains ont été massivement violés. Mais malgré le nombre de preuves établies, de vérifications préalables et de dénonciations, monsieur [Zepeda] a été protégé par le gouvernement d’Oaxaca que nous rendons aussi responsable des terribles exactions commises en toute impunité, comme ce fut le cas, ce 20 novembre 2012 à Puente de Fierro, où nous avons été pris dans une embuscade préméditée par cet homme – qui à l’époque était le président municipal. De ce fait, les policiers et les familles qui l’accompagnaient n’ont jamais fait l’objet d’une enquête claire. Mais mon père, lui, a été détenu, torturé et emprisonné le 11 août 2011 et à présent, il est encore privé de sa liberté à la Prison de San Juan Bautista Cuicatlán, sans avoir eu un procès juste au moment de son arrestation. Au contraire, son cas a été rempli d’irrégularités et de corruption.
Après que cet homme néfaste eut terminé son mandat de trois ans, la communauté commença à cheminer par le village en retrouvant un peu de paix, de tranquillité. Nous développions nos activités quotidiennes, en luttant contre les injustices latentes, jusqu’en septembre 2014. À cette date, l’État d’Oaxaca lui-même, à travers un audit supérieur, ratifia une dette fiscale de $21 000,000.00 qui datait de 2013 et, pour dévier l’attention, un nouveau conflit fut déclenché dans notre village à l’encontre des autorités élues par l’Assemblée Communautaire de la commune d’Eloxochitlán de Flores Magón. C’est ainsi que 80 personnes reprirent le palais municipal par la force et qu’elles firent signer au président une permission pour 180 jours, permission qui n’a jamais été ratifiée devant le Congrès.
De ces faits dérivent les événements qui se produisirent le 14 décembre, lorsque 6 compagnons de l’assemblée furent blessés par balle dans différentes parties du corps (poitrine, cou, tête, jambes) alors qu’ils exerçaient leur droit à la libre expression publique et à la participation politique. Dans ce contexte, deux personnes furent tuées et c’est de cela qu’ils m’accusent avec 34 autres compagnons et compagnonnes, dont 8 se trouvent actuellement dans la prison d’Ixcotel, bien qu’étant innocents. Du fait de son avarice, de sa soif de pouvoir et d’argent, monsieur Manuel Zepeda Cortés a déclenché une vague de violence dans notre village.
Même dans ce lieu, je me sens libre parce que je sais que je suis innocent, et ces murs de pierre ne pourront jamais faire taire ni intimider notre soif de liberté, bien que les oiseaux qui nous visitent se leurrent de leur vol. Je remercie ma famille, mes compagnonn-e-s du D.F., d’Oaxaca, du Mexique, de Colombie, de France, et de n’importe quel endroit où ils se trouvent, pour leur soutien inconditionnel. Santé et à bientôt !
Depuis la prison-église d’Asunción Tlaxiaco et ici, c’est sûr, ceux sont les moines dominicains qui les ont évangélisés ! Ni pardon ni oubli ! ¡Libertada todxs lxs presxs políticos! Liberté à tous et toutes les prisonniers politiques !
Eloxochitlán de Flores Magón est le berceau de l’anarchiste mexicain Ricardo Flores Magón. C’est une commune d’environ cinq mille habitants qui se trouve dans la région appelée Cañada, dans l’État d’Oaxaca. Comme les deux tiers des communes de l’État d’Oaxaca, elle est régie par le système des us et coutumes ou système normatif des communautés indigènes.
La communauté est composée de 24 quartiers et deux agences communales ou ranches. L’« élection » des autorités communales ainsi que celle des représentants des quartiers a lieu tous les trois ans. Les agents communaux sont élus par le système des « us et coutumes » pour une période d’un an. Parmi les principales fonctions exercées il y a la représentation de la commune devant la mairie et la gestion de la communauté. L’Assemblée Générale est l’organe de prise de décisions par vote à main levée. À la différence d’autres communes de l’État d’Oaxaca, à Eloxochitlán, les femmes participent aussi à la prise de décisions.
L’ingérence de partis politiques
C’est au début des années 2010, avec l’arrivée des élections communales du mois de novembre, que les partis politiques ont commencé à s’immiscer dans le processus d’organisation communautaire. L’achat de voix, la corruption ont été quelques-unes des méthodes employées par les partis politiques et leurs représentants pour gagner les élections, en totale violation des formes traditionnelles de prise de décisions.
Suite à la défaite d’Eviel Pérez Magaña, candidat du PRI [Parti Révolutionnaire Institutionnel] au poste de gouverneur de l’État d’Oaxaca, face au parti de la coalition « Unis pour la Paix et le Progrès » formé par le PRD [Parti de la Révolution Démocratique – de gauche], le PAN [Parti d’Action Nationale – de droite], Convergence et le PT [Parti du Travail – de gauche], Manuel Zepeda, priiste originaire d’Eloxochitlán a été soutenu par Convergence pour gagner la présidence communale. C’est par l’achat de voix et en s’alliant aux leaders des quartiers qu’il a gagné la présidence municipale avec seulement un tiers de voix, en piétinant les formes traditionnelles d’organisation et de prise de décisions.
Les partis en désaccord ont demandé en vain à ce que leur participation dans la gestion de la commune soit prise en compte car, selon la tradition, ceux qui arrivent en deuxième ou troisième place aux élections doivent intégrer le gouvernement avec le candidat élu. Face au refus du candidat élu, les responsables communaux se sont alors adressés au Secrétariat Général du Gouvernement de l’État d’Oaxaca (SEGEGO) et aux autorités responsables, mais sans réponse favorable. C’est ainsi que le conflit post-électoral a commencé, en donnant en même temps naissance à l’Assemblée Communautaire qui mène des actions et manifestations pour faire pression et demander le respect des formes traditionnelles d’organisation et de prise de décisions.
Une histoire parmi tant d’autres de pillage et de mépris
La période durant laquelle le président et ses proches exercent le pouvoir avec autoritarisme et répression est également une époque de détournement des ressources naturelles et économiques appartenant à la commune. Zepeda encourage le pillage de ressources (de sable, du gravier et de roches de la rivière), au bénéfice de ses propres entreprises et de celles de ses proches, comme la société de construction au nom de son gendre David Tello, celle de matériaux au nom de son épouse et une autre au nom de son frère Vicente Zepeda. De plus, il attribue des postes publics à toute sa famille, en désignant son fils Manuel comme directeur de logistique et maintenance de la commune, et sa fille Elisa Zepeda comme directrice du DIF [L’équivalent au service de la protection de l’enfance DDASS] et conseillère du développement communal. Sans appel d’offres, il assigne des travaux à ses propres entreprises – pratique opposée aux formes traditionnelles d’organisation [par us et coutumes] du village mais très proche de la façon d’agir des partis politiques.
En juin 2011 l’ouragan Beatriz a fortement frappé l’État d’Oaxaca, causant de graves dégâts dans la Sierra mazateca et dans la communauté d’Eloxochitlán. Il y a eu des dizaines de personnes sinistrées, et le bétail et les champs ont été fortement endommagés aussi dans la commune. Quelques habitants considèrent que les dommages ont été la conséquence directe des travaux menés au niveau de la rivière, puisque son lit a été modifié en raison du pillage de pierres et de sable qui servaient antérieurement de protection naturelle.
Devant la tragédie, le Service de Protection Civile fait acte de présence dans la communauté et réalise une cartographie des dégâts, toujours en accord avec le président municipal, à qui il remet des fonds pour aider les familles sinistrées. Ces ressources n’ont été distribuées qu’à ses proches, en excluant de la distribution tous les membres de l’Assemblée communautaire.
La Chasse aux sorcières
En 2012 une véritable chasse aux sorcières est lancée contre les membres de l’Assemblée communautaire : des dizaines de délits fabriqués sont utilisés pour émettre des mandats d’arrêt [des ordres d’appréhension] contre eux. Certains ont abandonné la communauté tandis que d’autres inscrivent un recours juridique de protection [amparo – habeas corpus].
Quelques mois après, l’ouragan Ernesto frappe la Sierra Mazateca. Au cours des travaux de reconnaissance des dégâts, des membres de l’Assemblée Communautaire sont interceptés par un groupe d’au moins 30 hommes. À la tête de cette embuscade se trouve le président municipal accompagné par des policiers municipaux qui, sans explication, agressent les habitants, conduisant à l’arrestation de Pedro Peralta [père de Miguel] qui – comme c’est déjà bien connu – a été porté disparu et torturé pendant plus de sept heures, avant d’être présenté à la prison de Cuicatlán, accusé du délit de niveau fédéral de « port d’arme à usage exclusif de l’armée » (l’arme appartenait au groupe agresseur). Il a été aussi accusé de « coups et blessures » (délit de droit commun).
Le juge du tribunal mixte de Huautla de Jiménez, Modesto Isaías Santiago Martínez, a reclassé le délit de torture et blessures contre Pedro et dans le même temps il a relancé les mandats d’arrêt contre des membres de l’Assemblée Communautaire. La Commission Nationale des Droits de l’homme (CNDH) n’a jamais émis de mesures de précaution malgré la preuve de torture signalée pendant l’expertise réalisée par le bureau du Procureur Général de la République (PGR) qui conclut que dans le cas de Pedro, le Protocole d’Istanbul a été violé [Il s’agit d’un protocole pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants].
Depuis 2011, Manuel Zepeda instaure un climat de violence et de répression contre l’Assemblée Communautaire. Désavoué par l’Assemblée Communautaire dès 2011, le mandat de Manuel Zepeda (2011-2013) a été caractérisé par la corruption, l’enrichissement illicite et personnel.
De 2013 à 2014, la nouvelle administration municipale conduite par Alfredo Bolaños Pacheco et les membres de l’Assemblée Communautaire est harcelée par Manuel Zepeda. À plusieurs reprises ce dernier menace de prendre la mairie.
Le 24 novembre 2014, Manuel Zepeda et son groupe passent des menaces aux actes en prenant d’assaut la mairie d’Eloxochitlán, séquestrant une partie du conseil municipal durant plus de cinq heures. Ils en profitent pour dérober les 60000 pesos qu’il y avait en trésorerie.
Le 14 décembre 2014, l’Assemblée communautaire d’ Eloxochitlán de Flores Magón se réunissait afin de désigner, selon ses us et coutumes, son futur maire. Lors de cette réunion, un groupe de cent cinquante personnes dirigées par l’ex-maire Manuel Zepeda a fait irruption et a tiré à l’arme à feu. Trois participants de l’assemblée sont alors grièvement blessés.
Face à cette attaque, l’Assemblée communautaire poursuit les agresseurs afin de les arrêter. Une nouvelle fois ils sont la cible d’une fusillade. C’est dans ce contexte que le fils et un homme de main de Manuel Zepeda perdront la vie. Ces deux personnes ont participé activement à la fusillade contre l’Assemblée communautaire.
Manuel Zepeda est finalement neutralisé et arrêté en possession d’une arme à feu de calibre 20. Sept membres de l’Assemblée communautaire le remettent alors au Ministère public de Huautla.
Ces sept personnes sont aujourd’hui incarcérées sous l’accusation d’homicide qualifié et tentative d’homicide. Les trente ordres d’arrestation contre des membres de l’Assemblée communautaire sont également liés à ces événements.
Si Manuel Zepeda se permet d’agir ainsi, c’est parce qu’il est soutenu par une partie du PRD. Une nouvelle fois, comme dans de nombreuses communautés du Mexique, la pénétration des partis politiques dans la vie communautaire engendre conflit et violence. En effet, ce qui se joue à Eloxochitlán, c’est la légitimité de l’Assemblée communautaire face au système électoral des partis.
Ces trente ordres d’arrestation obligent les membres de l’Assemblée communautaire à quitter le village.
C’est dans ce contexte que, le jeudi 30 avril 2015, Miguel Ángel Peralta Betanzos [fils de Pedro Peralta], lui aussi membre de l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón, a été arrêté sur son lieu de travail au centre-ville de Mexico.
Comme toutes les autres, cette arrestation, s’est faite avec une grande violence, par des policiers ministériels du D.F. [ville de Mexico].
Une campagne nationale a commencé au Mexique pour faire connaître le cas et pour obtenir la libération des membres de l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón. S’y associant, la Croix Noire Anarchiste du Mexique a décidé de suivre le cas.
Traductions Les trois passants, Caracol Solidario et Patxi
Correction et relecture Annette et Valérie
Merci beaucoup à Patxi pour tous les éclaircissements et informations