Nous avons élargi notre solidarité et nous sommes en relation avec des prisonnier-e-s dites de droit commun organisé-e-s dans la prison de Santa Martha Acatitla (Centro Femenil de Readaptación Social) et dans la prison Nord de la ville de Mexico et au Chiapas.
Nous ne nous inscrivons pas dans une lutte qui ne viserait à soutenir que les seuls « innocents injustement détenus » en prison. Notre lutte soutient tous les prisonniers et prisonnières qui se reconnaissent dans une lutte anti-carcérale et de dénonciation du système pénitentiaire dans sa globalité, rejoignant en cela nos luttes pour la destruction de la prison et de cette société carcérale.
Cependant, et sans entrer dans cette démarche innocentiste, il est nécessaire d’expliquer que bon nombre des compagnons indigènes qui écrivent dans ce fanzine ont été accusés de délits totalement fabriqués par les autorités, dans le but de continuer à surpeupler les prisons, alimentant de la sorte l’énorme marché non seulement du point de vue des investisseurs et des usuriers, mais aussi afin de légaliser l’exploitation générée à l’intérieur, grâce en particulier à la fabrication de nombreux produits destinés à la vente extérieure, sous l’étiquette « Bon travail des autorités à la recherche de délinquants potentiels qui portent atteinte à la sécurité ». La chasse aux « délinquants » imaginaires permet par la suite d’obtenir des primes et des récompenses au nom « de la rigueur de la loi » et par conséquent de légitimer ce système de « justice ». Dans ce contexte, des centaines d’indigènes se voient inculpés, bien qu’ils n’aient commis aucun des crimes dont ils sont accusés.
Au Chiapas, des femmes et des hommes indigènes sont confrontés à ce type de détentions arbitraires, passant ainsi des années en prison dans l’attente de leur procès ou ayant été condamnés à de très lourdes peines de prison pour des crimes relevant de la cour d’assises (enlèvement, tentative d’homicide, terrorisme, etc.) sans avoir eu accès ni à une défense juridique, ni à un·e interprète. Les autorités en profitent sachant que la détention se fera d’autant plus facilement que les accusés ne parlent ni l’espagnol ni ne comprennent ce qu’ils sont obligés de signer sous la torture, et que les dossiers passeront par les juridictions sans difficultés majeures.
Bien que plusieurs compagnons revendiquent leur innocence, il ne s’agit pas pour nous de donner une légitimité à ce terme, l’idée même d’innocence ou de culpabilité ne nous convient pas, mais le fait est qu’ils sont nombreux et que cela arrive souvent.
Les compagnons le mentionnent fréquemment dans leurs écrits car dans la majorité des cas il s’agit en effet de détentions totalement arbitraires, où le corps de ce délinquant imaginaire occupera une cellule supplémentaire générant des profits pour l’administration et son personnel tout en sachant que les aveux auront été obtenus après des jours et des nuits de torture aussi bien physique que psychologique.
Ceci étant dit, nous espérons que la lecture de ces témoignages parviendra à refléter le climat dans lequel vivent les détenus, comment et dans quel contexte ils ont été arrêtés et comment après avoir été détenus ils ont commencé à apprendre à lire et à écrire le « castillan », à raconter leur histoire et à faire sortir leur voix au-delà des murs, à s’organiser et à résister à l’intérieur des prisons du Chiapas, qu’ils soient innocents ou pas.
Bonne lecture
Les trois passants et traductrices
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À la fin de l’année 2016, un groupe de six prisonniers, parmi les plus de deux mille qui survivent dans la prison de “L’Amate” en Cintalapa – Chiapas, a créé l’organisation de prisonniers en lutte « la Voz Verdadera del Amate ». Il s’agit de prisonniers dits « de droit commun » qui ont décidé de se battre en cassant par l’organisation l’isolement et le lent écoulement des jours. Certains parmi eux sont en train d’apprendre à écrire en espagnol afin de faire sortir leurs mots de prison.
Voici quelques-unes de leurs lettres et de leurs témoignages
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